du shopping entre amies...

Nous y voici. Pour l'instant, le drame est évité, nous n'avons croisé personne de connaissance. Espérons que ça dure. Je me dirige vers le magasin dans lequel j'avais passé la nuit lors du drame de Snjor. J'ai le souvenir de m'être enfoui sous un tas de manteau. Ce me semble être un bon commencement.

L'enfer commence...
Elle passe devant moi, et je la laisse prendre un peu d'avance. Je n'ai aucune envie de discuter avec ce chat maniéré. Elle se met à dandiner telle une fille de joie qui attend qu'on lui saute dessus. Vivacia me manque terriblement et son équipage aussi.

Je la suis silencieuse en espérant trouver un manteau correcte le plus rapidement possible. J'aimerai taire cet épisode désagréable, mais vue l'état de mon manteau il est nécessaire d'en acheter un neuf si je veux éviter les questions de mon second. Péottre est curieux, tenter de lui mentir ou de ne pas lui répondre est une perte de temps et d'énergie inutile.

Le chat entre dans une petite boutique mal éclairée. Je connais bien cette rue, je passais beaucoup de temps à jouer ici quand j'étais enfant, mais cette boutique, je l'ai toujours évité, surement par le style vestimentaire extravagant de la vitrine. Je prend une grande inspiration, cherchant de la main ma petite gourde pour me rassurer, puis entre dans la boutique, un sourire forcé sur les lèvres.

J'entre dans la boutique et adresse un tendre sourire au vendeur. J'ai de la chance, c'est un homme, je n'aurais aucun problème à l'amadouer. Mais autant s'y prendre dès le début. je lui souris donc, et met encore un peu mes formes en valeur en passant de la marche "élégante" à la marche "sensuelle". L'ayant à peine dépassé, et sure qu'il me dévore des yeux, je me retourne, lui lance un regard furtif, et rougit. Les hommes sont vraiment trop simple à manipuler.

Cependant aujourd'hui, j'ai un défi à relever, qui va être de parvenir à justifier le manque de soin que j'apporte au choix de mon entourage. Je ne me retourne surtout pas vers mon boulet, et commence à regarder les vêtements comme si j'étais seule. D'abord rendre le vendeur fou amoureux de moi, ensuite lui avouer que je suis avec cette fille. J'essaierais de faire passer ça pour de la charité.

Je fais glisser mes doigts avec allégresse contre les tissus chauds des manteau, désolée pour eux de ne pouvoir les faire parer mon corps. Comme ils doivent se sentir inutiles et laids... Et dire que je vais devoir en punir un d'avantage, en lui forçant à toucher ce corps tordu qui rampe derrière moi. Quoi ? Elle ne rampe pas ? c'est comme si. Je n'ai jamais vu quelqu'un marcher avec si peu d'élégance. Enfin si, mais cela me dégoûte toujours autant.

j'attends que mon beau vendeur soit occupé à farfouiller dans sa caisse, pour enfin me retourner vers ma compagne, et lui désigner une cape. Je m'en veux de lui imposer ça, mais il va vraiment falloir un très, très joli manteau pour la rendre à peu près présentable, et celui que j'ai dans les mains est au delà de mes espérances. Un tissu souple et doux, qui viendra enserrer les épaules de sa propriétaire pour redescendre en cascade jusqu'à ses genoux, dans un effet de cape volant au vent du plus bel effet. Si elle n'aime pas, je le lui fais manger. Je lui souris chaleureusement et lui tend le manteau pour qu'elle l'essaye.

Seulement un pied dans la boutique et elle commence déjà à faire la chatte en chaleur, c'est à vomir. J'aurai autant aimer ne pas me montrer avec elle. Se dandinant de plus belle, elle sort son grand jeu au pauvre vendeur.
Elle commence à regarder les vêtements. Et voilà, une montée de chaleur, le stress qui m’envahit, je n'ai pas fait les magasins depuis au moins dix ans, ce qui m'amène au début de ma puberté. J'ai toujours eu horreur de ça, ma mère me forcait à la suivre lorsque mon pantalon m'arrivait aux genoux. Quelques gouttes de sueur commencent à apparaitre sur mon front que je m'empresse d'essuyer.
Que va-t-elle choisir, j'espère qu'elle ne va pas sortir le manteau le plus extravagant de la boutique. Quelque chose de sobre, de chaud et de pratique...
Pas le temps de finir ma pensée qu'elle en sort un. Ou plutôt une cape.
J'imagine déjà la tête de Péottre face à ce morceau de tissu. Non pas que c'est moche (enfin si c'est moche), mais quelle utilité, sur un aéronef, a une cape s'envolant face à une petite brise?

Elle me sourit, je souris. Gênée, je me force à essayer le "manteau", puis me tourne vers elle.

"Non pas qu'il me déplaise, cependant, je ne suis pas sûr qu'il corresponde à mon métier. Il est nécessaire que ce manteau me protège du vent, or, celui-ci, me paraît plutôt léger face au mistral."

J'enlève le manteau, le remet correctement, et le tend au chat en souriant timidement.

Je rêve ? Elle se permet de faire sa difficile en plus ? Elle devrait être honorée d'avoir droit à mes talents de styliste pour compenser son mauvais goût ! "je ne suis pas sûre qu'il corresponde à mon métier" ! Mais pour qui elle se prend ?

Elle me tend le manteau. Elle m'a prise pour sa femme de chambre aussi ? Je feint de ne pas avoir vu son mouvement et lui tend le porte-manteau en lui adressant mon plus tendre sourire. Qu'elle se débrouille toute seule si elle n'est pas contente.

Je me retourne et continue mon inspection. Je finis par trouver un autre manteau qui attire mon attention. Il est cintré, comme ça, elle ne m’embêtera pas avec le fait qu'il risque de s'ouvrir comme un parachute. Orné de rayures brunes et noires, renforcé au niveau des épaules et paré de deux rangées de boutons dorés, il est à la fois sobre et élégant. Je souris à ma trouvaille. La dentelle des manches danse autour de moi quand je me retourne gracieusement vers ma protégé pour le lui soumettre.

Le manteau à peine remis sur son cintre, le chat se retourne avec une nouvelle trouvaille.
Plus sobre que le premier, la dentelle me fait tout de même grimacer un peu. Je l'enfile, prête à l'accepter pour mettre un terme à cet enfer; Les bras bloqués, les manches trop courtes, impossible de fermer le manteau, je ressemble à un gorille essayant de rentrer dans un tutu. Magasin de tailles uniques, ce manteau n'est pas pour moi, ce qui n'est pas sans me soulager : les rayures étaient discrètes, les boutons dorés passaient encore mais cette dentelle...
Après l'avoir enlevé, je l'accroche directement sur son cintre et le remet en rayon, attendant patiemment l'article suivant.

Je n'avais pas remarqué qu'elle était aussi grosse. Ses vêtements difformes devaient sans doute faire illusion. Je soupire, grimace, soupire de nouveau devant ce spectacle grotesque... Pourquoi j'insiste, cette fille est un cas désespéré, je pourrais passer ma journée dans cette boutique avec elle, rien ne lui irait...

Je lui adresse un regard lourd de reproche et de dédain. Jouer la bonne petite sainte, ça va bien un moment, mais je commence à être lasse de faire subir ça à tous ces charmants manteaux qui n'ont rien demandé à personne. Elle me regarde avec ses yeux de merlan frit, attendant de moi que je tire un lapin de mon chapeau. Mais je ne suis pas illusionniste, et lui dégoter un manteau convenable est un tour d'une toute autre ampleur ! Je laisse ma patte aller à un geste d'agacement, et lui adresse sur un ton tranchant :

-Si rien ne vous convient, vous n'avez qu'a chercher toute seule. Après tout, je vous ai proposé de vous offrir un manteau, pas de jouer les stylistes. Je vais faire un tour de la boutique, prévenez-moi quand vous aurez trouvé ce qu'il vous faut.

Et comme j'ai compris maintenant pourquoi son ancien manteau tenait plus du sac poubelle, je suis à peu près convaincue qu'elle ne trouvera pas plus que moi. Tant mieux, ainsi j'économiserais mon argent - ou mes sourires. Je tourne les talons et me dirige d'un pas rapide, mais toujours élégant, vers l'autre bout de la boutique.

MERCI !! Elle me laisse choisir, chose que je n'espérai plus depuis longtemps.
Elle s'éloigne énervée, c'est vraiment de la folie, même agacée elle persiste à dandiner du cul.
Je soupir soulagée, je n'avais pas remarqué à quel point ce chat m'angoissait; j'avais mis ça sur le compte des boutiques mais non, son air de pouf sympathique me rendait les mains moites. Peut être sera-t-elle mieux, moins souriante.
Enfin bref, je regarde les rayons de fringues autour de moi, fait quelques pas, et sort un petit manteau ma foi très mignon. Cintré noir, avec des petits boutons gris, il est chaud mais assez léger, permettant de faire tout les mouvements nécessaire pour manœuvrer Vivacia. Je m'empresse de l'essayer, il me va parfaitement: MIRACLE !!
Le calvaire va enfin terminer. Je lui fais signe en désignant le manteau que je tiens dans la main. Un des moins cher du magasin elle devrait être contente. J'espère qu'elle ne le trouvera pas trop à son goût, sinon il faudra que je m'inquiète...

Tout en furetant de mon coté, je m'inquiète. Qu'ai-je fais en la laissant choisir toute seule ? Oh, fichtre, j'espère qu'elle ne va pas...

Elle m'appelle. j'inspire un grand coup, plaque un grand sourire sur mes lèvres, et me retourne.

...

Pas de réaction. Surtout, pas de réaction, ne bouge pas, garde ce sourire, et attend.

Cette douce envie de vomir va passer. Je suis sure qu'elle va passer. Mais fichtre que cette chose est laide. Même son ancien manteau était mieux, et je ne l'ai vu que déchiré ! Le... Chiffon qu'elle me tend fièrement, est difforme. Remarquons que ce doit être pour cela qu'il lui va. D'un noir affligeant, et dans cette matière douceâtre qui composait les vieilles robes de ma grand-mère. Je pense que si cette dernière avait du se rendre à un enterrement, elle aurait put porter son choix sur cette chose.

Non. Ma grand-mère avait décemment plus de goût. Quoiqu'il en soit, l'idée de ma regretté aïeule m'a rapporté le fumet de ses merveilleuses confitures au narines, et mon estomac a retrouvé sa place habituelle. Je suis de nouveau maître de mes pensées. Je commence par réduire mon sourire, pour ne pas passer pour une imbécile, puis je réfléchis. Vu que ce n'est pas un manteau, mais, au mieux, une serpillière, l'article ne doit certainement pas être d'un prix excessif, et le vendeur sera ravi de la voir quitter sa boutique. Seulement je ne peux pas marchander pour cette chose. Ce serait m'insulter moi-même, renier ce pour quoi je vis... J'aurais honte à chaque pas, peur que cette histoire s'ébruite, que cet idiot de vendeur n'aille raconter partout l'incroyable qui s'est déroulé dans sa boutique ! Je serais châtié de Snjor, et alors mon temple...

Stop ! Toutes ces idées me sont insupportables. Du calme. Respire. Pense à ta mamie. Tout va bien se passer.

Je penche doucement la tête sur le coté, et fais glisser imperceptiblement mon sourire du neutre au condescendant. Il va falloir que j'explique la vie à cette petite, et ce ne va pas être chose aisée. Je m'approche d'elle sans quitter mon beau sourire, et pose ma patte sur son épaule.

-Ecoute... Je comprends très bien pourquoi tu pense apprécier ce manteau. Il te va, ce qui est très bien, mais je suis sure que d'autres manteaux te vont dans ce magasin. Et même si ce n'est pas le cas, nous pouvons aller ailleurs. Tu aimerais te réfugier derrière la neutralité et la tristesse de cette teinte sombre mais... Je suis sure que tu as des tas de choses à exprimer sur toi, et cela, tu peux aussi le faire passer par tes habitudes vestimentaires. Mettre un peu de couleur, des motifs, de la dentelle, je ne sais pas, ce qui te plairas !

Flûte ! Je n'aurais pas du dire ça. Peu importe, enchaîne avant qu'elle ne reprenne la parole.

-Ce manteau est très neutre, et donc, très impersonnel. Tu es une jolie fille, tu mérite beaucoup mieux ! Ce n'est pas donné à tout le monde de savoir dès le début comment on doit s'habiller, mais ça s'apprend, et je vais t'aider, crois moi !

Je lui prend délicatement la chose des mains, en tachant de ne pas trembler de dégoût, et la repose avec la même délicatesse sur le porte-manteau.

-Tu veux continuer de regarder ici, ou aller voir dans un autre magasin ?

Elle s'approche de moi tout sourire, ce qui me fait un peu peur... Avez-vous déjà vu un chat sourire? Généralement ce n'est pas normal et ça fait trembler.

Posant sa patte sur mon épaule, elle commence gentillement mais surement à me dire que j'ai mauvais goût (ce qui ne m'étonne nullement vu sa tenue indécente).
Mon visage se décompose peu à peu. Lorsqu'elle me propose ou plutôt m'oblige finalement à changer d'avis, je me force à sourire et répond d'un ton doux et sympathique:

"On peut aller voir dans un autre magasin. Il y aura peut être des manteaux plus personnels et parfaits pour conduire un aéronef. Je vous fais confiance, vous m'avez l'air d'être une personne raffinée et je suis sur qu'on trouvera ce qu'il faut."

Rester gentille et agréable, plus vite elle trouvera quelque chose qui lui convient plus vite tout ceci sera fini. Péottre aura bien un manteau pour moi au fond de son armoire.

Après un regard entendu, je me dirige vers la sortie.