Ma chère Calliban,
Sachez que c’est avec le plus grand des plaisirs que j’ai reçu votre lettre. Vos mots d’encouragement me vont droit au cœur, car vous êtes, si j’ose le dire en ces termes, la personne avec qui je possède le plus de liens en ce monde. Quoi qu’il puisse arriver, n’oubliez jamais votre valeur et les trésors de réconfort que vous avez pu apporter aux habitants de ce royaume.
Je m’accroche à l’idée que nous puissions nous revoir. Vos conseils inestimables sont autant de bouées qui me permettent de garder tête hors de l’eau en ces périodes de troubles.

J’ai vu votre détresse entre les lignes, et cela m’est douloureux. Gardez espoirs, tout n’est que temporaire. Car chaque battement de cœur est unique, tout finit par s’épuiser et retourner à la source, et en cela, la souffrance n’existe pas plus que la joie et le plaisir. Inscrivez ces mots sur votre cœur, ils viennent de Karl C. Boll, le poète que je méprise le moins, et conservez cette énergie et ce plaisir de vie qui vous est caractéristique.

N’oubliez jamais, rien n’est éternel et c’est ce qui est beau.

Votre estimée Siobhan B.
1.12.0032


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Calliban.
Oui, j’ai lu le journal. La caravane qui traverse ma ville l’a offert gratuitement à tous.
Il est possible que ce ne soit qu’une farce grotesque, un canular organisé par mauvais goût et par amour de l’humour grotesque. Certains aiment à prendre du plaisir sur la détresse des gens.
Ne cédez pas aux sirènes de la panique, je vous en conjure. Attendez, comme moi, de plus amples détails sur ce qui se trame avant de prendre des décisions aussi drastiques.

Je vous recontacterai, comme promis, un peu plus tard.

Votre estimée Siobhan B.
15.2.0033


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Calliban, vous aviez raison, je le crains.
Une étoile s’apprête à frapper notre monde et à semer mort et destruction sur son passage. La guilde des astronomes prédit que l’impact réduira notre monde à un univers de feu et de cendre.
Je ne sais pas comment le vivre.
Passer une bonne nuit de sommeil me permettra probablement d’y voir plus clair. Vous devriez m’imiter et cesser de ruminer des pensées aussi sombres. Je crains de n'avoir que moins de plaisir à vous lire quand vous ne noircissez la feuille que de vos craintes les plus morbides.

Pensez à autre chose.

Siobhan B.
17.2.0033

Calliban,
Je ne suis pas sans ignorer que l’astéroïde Ogygia approche et je n’ai pas attendu vos lettres pour l’apprendre.
Cependant vos multiples lettres m’ont plongée dans un abyme de perplexité et j’espérais que la pratique de l’écriture ne me permettrait d’en sortir que plus rapidement. Vous répondre me permet de mettre cette pratique à exécution et d’apaiser mon esprit autant que faire se peut.
Encore une fois, je vous en conjure, conservez ce que vous possédez de calme et gardez-le serré contre votre cœur. Vous ne devez à aucun prix céder à la panique.

J’ai vu les gens démissionner, quitter leurs familles et accomplir ce qu’ils rêvaient depuis tout petits. Parfois ces actes sont positifs, parfois ils ne le sont pas. Il est extraordinaire de pouvoir observer un monde qui décide que plus rien d'autre ne compte que de vivre au jour le jour.

Ce n’est pas mon avis. Même dans la plus noire des détresses il est bon de conserver cette once de réflexion que chacun se devrait de posséder.
Sous mes pieds nus, la terre et sur mon visage, la lumière du soleil. Toutes ces choses-là ne disparaitront pas demain. Ressaisissez-vous, la chaleur ne nous a pas encore quitté. C’est une raison suffisante pour ne pas se laisser aller à la peur la plus primale.

Je garde la foi en un autre avenir, un événement qui se produirait et altérerait la course des choses.  Ogygia n’est pas une fatalité, j’y crois fermement.

Croyez bien que je garde toujours cette fébrilité d’autrefois quand je reçois vos lettres et que rien ne pourrait m’en séparer.

Affectueusement, Siobhan B.
23.2.0033


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Ma très chère Calliban,
Sachez que je vous sais gré d’enfin être parvenu à vous reprendre. J’avais peur de vous perdre, vous et vos remarquables qualités, à la passion et à la peur. Trop de gens que j’affectionne y ont cédés et cela m’aurait brisé le cœur de vous compter parmi eux.

Votre compte rendu est similaire au mien. Beaucoup de gens ont vendus leurs propriétés afin de s’acheter du divertissement. Passer le temps qu’il reste à vivre avec les siens est un projet ambitieux et qui n’est pas dénué de sens. Cependant, je continue à croire que la fin n’est pas aussi proche que ce que l’on s’acharne à croire dans les journaux.
J’ai donc acheté de nombreuses propriétés pour des bouchées de pain. Je suis maintenant la propriétaire la plus riche de Syuzhet. J’ai également profité de la confusion pour prendre la tête du Mouvement Royal pour la Liberté. Plus personne ne s’intéresse à la politique maintenant que demain n’existe plus.

Ma très chère Calliban, transformons la peur en curiosité ! Qui sait de quel fil sera tissé le drap qu’est notre avenir ?

N’oubliez pas d’affûter votre esprit au fil des journaux, de délicieuses nouvelles se font porter chaque jour pour qui sait rester calme et profiter de la situation.

Votre estimée Siobhan B.
26.2.0033


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Ma très chère Calliban,
Veuillez m’excuser pour l’incorrection de mon silence. Les dernières semaines furent riches en événements substantiellement importants.
Plus personne ne se soucie de sa réputation. Les orgies deviennent monnaie courante et les actes dégradants sont désormais quotidiens. Je soupçonne que, dans le cas où Ogygia ne réduit pas tout ce que nous avons accompli et possédés à néant, ces actes ne puissent servir de leviers politiques.
Imaginez : un monde dans lequel tout opposant peut être couché à terre à l’aide de confidences sur ce qu’il s’est laissé à faire durant cette période dans laquelle il pensait mourir sous peu ?
Si la mort ne nous attend pas et si Ogygia ne frappe pas Cen, alors nous serons les deux être les plus puissants de ce royaume. Personne n’osera se dresser devant nous. Restons calmes, dignes et irréprochables. Ces derniers mois doivent être couchés sur papier. Les preuves sont le meilleur bâillon que l’on puisse imaginer.

Votre estimée Siobhan B.
29.2.0033

Calliban,
La mort approche. Tous les royaumes sont en paix depuis trois mois maintenant. Pourquoi faire la guerre ? Plus de soldats, plus de politiciens, plus que des gens qui vivent à leur gré. Je ne suis plus aussi certaine du bien fondé de ma démarche.
Est-ce vraiment une bonne idée de rester stoïque quand plus rien n’a d’importance ?
Calliba, je n’attends que vos mots pour retrouver ma consistance. J’ai le sentiment de m’effriter face à ce qui nous attend et je hais ce sentiment du plus profond de mon être.
Par pitié Calliban, couchez sur papier ce qu’il me faut lire pour retrouver ce que je suis.
Aidez-moi

Siobhan B.
34.2


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Ma très chère Calliban,
Veuillez m’excuser pour cette dernière lettre. S’il vous plait. Et veuillez l’oublier.

Votre estimée Siobhan B.
34.2.0033

Calliban Octominn
Kane Est
Petit village de Sans-dessus-dessous

De Siobhan Beauregard
Le 10 du mois d’avril 10033

Ma très chère Calliban,
J’espère que cette lettre vous trouvera en excellente santé.
Sachez que j’ai de suite pensée à vous en lisant dans les journaux la meilleure des nouvelles. Cette porte, apparue à Syuzhet, est notre billet pour fuir Ogygia. En ces fins, je me suis assuré du soutien de tous mes amis de pouvoir et de tous les moyens mis à ma disposition pour vous offrir une place.

J’ignore si vous le savez mais le consulat m’a nommée hier représentante de Cen auprès du conseil de CLAPS. Si ce monde de poche, selon les termes d’un barbare ignorant d’Aalvarma que j’ai eu la « chance » de rencontrer, n’est pas l’endroit le plus agréable qui puisse exister, ce privilège revenant à Cen de droit, c’est un monde riche et, à défaut d’autre mots, particulier et étrange. Je serais honoré si vous acceptiez de m’assister dans la lourde tâche qui m’incombe désormais.

Callibann, si tu savais. J’ai vu des choses extraordinaires. Le peuple de Snjor use d’une magie nommée Technologie qui leur permet de faire tant de choses… Ils se refusent malgré toutes nos suppliques à nous apprendre cet art, sous l’argument que cette magie a détruit leur monde natif.
Je refuse de croire qu’un art capable de chose aussi merveilleuse puisse détruire un monde. Il me faudra un jour explorer les rivages de Snjor et voir ce qu’il en est vraiment.
J’ai plus d’affinité avec les habitants d’Aalvarma. Bien que grossiers, ces gens ne possèdent pas plus de connaissance en « technologie » que nous, ce qui en fait nos semblables à CLAPS.

J’ai tant de choses à vous montrer. Acceptez ma proposition et ensemble, amusons-nous dans ce nouveau monde qui s’est ouvert. Voyez en cette lettre une demande officielle.

Je n’attends rien de plus que votre réponse,
Amicalement, votre estimée
Siobhan Beauregard