Louvenia... ah oui, c'est vrai, il paraîtrait que c'est mon nom. J'ai tendance à l'oublier, il est bien de trop long pour moi, et ma vie durant je ne me suis entendu appeler que par son diminutif : Lou'. Mon père m'a raconté que ça avait pris ma mère comme ça, comme une envie de fraises, et qu'il avait eu beau luter, il avait dut céder face à ce prénom bien de trop long et démodé.

Je dirais que l'histoire de ma vie commence réellement le jour de mes 12 ans. Ce jour même où mes parents m'ont annoncés qu'ils allaient se séparer, et que papa allait aller vivre à Grip, de l'autre coté du continent. Et qu'ils m'ont demandé de choisir avec lequel des deux je préférait vivre. Je pensais aller habiter avec mon père, qui avait toujours été chaleureux avec moi, quand ma mère n'était que rigueur et autorité. Et puis, au moment où j'allais fermer mon sac, je suis tombée par hasard sur la première photo que j'ai prise : une photo de ma mère. Elle n'était ni bien cadrée, ni bien exposée, elle était floue et manquait de profondeur, mais j'y ai vu pour la première fois l'amour que ma mère me portait. Alors j'ai fourrée la photo dans mon sac, je l'ai bien fermé, je suis sortie d'un pas décidé et j'ai passé la porte d'entrée en disant que je ne voulais pas choisir, et que je me débrouillerais bien toute seule.
Depuis, j'ai passé ma vie à traverser le continent de long en large, vendant mes photographies à ceux qui voulait bien me les acheter, récupérant dans les boutiques ou les poubelles de nouveaux éléments pour mon appareil photo. Parfois, quand ma route passait par là, je rendais visite à l'un où l'autre de mes parents, mais je ne restait jamais très longtemps. Je me suis déplacée au grée de ceux qui voulaient bien m'embarquer dans leur véhicule : voiture, calèche, moto … j'ai même testé un ballon une fois. C'était merveilleux, le monde vu du ciel est bien plus doux que vu d'en bas. Les photographies que j'ai put prendre de là-haut se sont vendues une petite fortune d'ailleurs.
Et puis un jour, je suis arrivée chez papa, et il n'était plus là. Le voisin m'a dit qu'il était décédé. Je suis entrée dans sa petite maison devenue bien de trop grande maintenant qu'elle est vide. J'ai regardé tout ce qu'il y avait, et j'ai tout remis en place. Sauf la photo près de son lit, que j'avais prise avant qu'il ne quitte la maison familiale. Une photo de mes deux parents devant leur maison, par un après-midi ensoleillé. J'ai glissée la photo dans mon sac, à coté de celle de ma mère. J'ai encore trouvé le vieux pistolet de papa, qu'il gardait toujours près de lui, « au cas où ». Je ne l'avais jamais vu s'en servir, je ne savais pas s'il marchait, je ne savais pas s'il était chargé, mais je l'ai tout de même accroché à ma ceinture avant de refermer définitivement la porte de la maison de papa derrière moi.
La dernière étape important de mon histoire remonte à il y a quelques jours à peine, alors que j'étais dans une auberge près de Meliadus, et que j'y ai entendu parler de cette ville volante. Une ville volante. Je me suis instantanément souvenue de mon voyage en ballon, de la beauté du ciel vu de près, et de la terre vue de loin. Le lendemain, j'ai écris une lettre à maman disant que papa était mort, et que je m'établissait dans la maison qu'il laissait derrière lui. C'était faux, mais la vérité était que je n'irais plus jamais rendre visite à ma mère. Parce que j'allais trouver le moyen de grimper sur cette ville volante, et d'y rester.