Je n'ai jamais su où était ma place.
Au creux des plaines poudreuses et blanches d'Aalvarma, ou sous les rayons connectés de Snjor.

Mon père est snorgien et chercheur-explorateur, il se prénomme Volem. Un jour il a réussi à se rendre à Aalvarma alors qu'il n'existait encore aucun moyen d'y parvenir, grâce aux sciences de transfert et d'ondulation. Cette chance ne se représenta point de nouveau des années durant. Les molécules nécessaires à cette opération sont instables et dangereuses.
Il se trouva bloqué à Aalvarma, contraint, selon son récit, à garder le secret de son identité et de son savoir. Il ne m'en a jamais donné la raison.
Il rencontra ma mère, chefe d'une tribu nomade, pour laquelle il modifia le cours de sa vie.

Je suis née un an plus tard dans le froid des régions de La Désolation puis abandonnée avec mon père par ma mère. Celle-ci a préféré porter une hache au bras plutôt qu'un nouveau né ainsi que de se réduire au statut d'épouse. Elle a tout de même pris soins de nous amener jusqu'à Cobley, sans quoi, seuls nous serions morts de froid.
Il m'est impossible de pleurer ces choix au vu des conditions de vie extrêmes imposées dans les contrées désolées.
Je pense que quand ma mère à recueilli mon père, elle se doutait qu'il cachait quelque-chose derrière son manque de résistance au froid, son langage et ses réactions parfois inappropriées. Peut-être avait-elle tenté d'en tirer quelque-chose pour l'apporter aux siens, en vain.

Mon père a repris ses recherches à Cobley où j'ai vécu les plus belles et les plus folles années de ma vies entre la terre et la glace, à ruser, chasser avec groupes d'adultes, arpenter des pieds de glaciers...
J'avais 10ans quand il a trouvé le moyen de nous faire "rentrer" à Snjor.




-Aujourd'hui-
-Néris, 24ans-


Dans le grand fracas de mon poids accompagné de celui d'une dizaine de cagettes qui s’écrasent au sol, je m'empresse de reprendre ma course, précédée par deux agents qui hurlent à s'en saigner la gorge.

L'un: Arrêtez vous!!!
L'autre: Attends qu'on t’attrape la sauvage!!!

Les graviers roulent sous mes pieds dans cette rue descendante du District des Mille Escaliers. Déchiré, mon sac s'est déjà bien allégé quand je l'amène contre la poitrine pour le maintenir entre mes bras. Je sème des poissons derrière moi et j'en rirais presque!
Pas le temps de ramasser. J'échappe bientôt à la ville pour rejoindre les chemins sinueux qui mènent aux montagnes.

De retour au calme, mon adrénaline est à peine savourée qu'un message à l'oreillette me signale ma propre infraction, non identifiée car le système de surveillance par drone sur Claps n'est pas encore tout à fait au point, étant importé de Sjnor. L’analyse locale de mes déplacements m'a tout de même placée comme suspecte. Mais en ces temps si troublés les cartes dorsales des Snjoriens ne permettent pas d'envoyer nos informations, elles sont provisoirement reprogrammées pour seulement en recevoir. Le temps que des services de surveillances convainquent la politique de Claps de l'imposer à tous. Bon courage.
Cette technologie qui me colle à la peau me fait parfois relativiser la souffrance d'avoir perdu mon monde...  Il était gangréné par l'ultra surveillance pour assurer la sécurité, notamment et soit-disant contre les golems. Ce Monsieur Wiseau dont me parlait mon père avec passion l'avait bien dit, c'était le coeur de gravité le problème prioritaire!!
...
Trop tard.
Et voilà qu'on ne peut à nouveau pas s’empêcher de reproduire nos erreurs en propageant des système connectés dans les nouveaux mondes....
En m'enfonçant dans les bois je me rends compte que toute mon attention est rivée sur mes pensées et mes muscles sont crispés. J'en ai tout oublié autour de moi. Je reprends mon calme et me réjouis d'une chose:
Cette nouvelle terre regorge de recoins et d’espèces à découvrir, je la sens vivante, vibrante, les trois mondes sont réunis.

Les trois mondes sont réunis...



Indépendantiste venue de Snjor