La lumière est morte dans un crépitement et j’ai senti l’oxygène s’évanouir de la pièce. L’espace s’est déformé, pliant les murs vers l’intérieur. Ils se rapprochent, frottant contre le sol dans un hurlement métallique, menaçant de broyer la pièce entière. Ma vision s’est troublé et je me suis laissé tomber sur le sol pour prendre une position plus confortable et rassurante.
Je n’arrive plus à respirer. Je me noie. Je me noie, mes poumons compressés dans une prison de béton. J’halète vainement.
Ses doigts se sont posés sur mes épaules.
« Tu perds le contrôle de tes pouvoirs. Respire. »
« Je n’y arrive pas, je n’y arrive pas ! »
Comme à chaque crise, je saigne. Du sang perle au coin de mes yeux et je sens l’épais liquide chaud couler de mon nez et de mes oreilles.
La panique s’est propagée dans la pièce comme un poison qui se répand dans les airs et contamine tout ce qu’il touche, semant l’anxiété dans l’esprit des gens proches.
Aujourd’hui, elle est seule à mes côtés. Les effets de mon pouvoir ne semblent jamais l’atteindre.
« Respire. Doucement. » Sa voix est une lumière au fond de mon lac d’eau poisseuse. «« Nomme trois choses dans cette pièce. Prends ton temps. »
« Il y a… Un cadre photo… »
« C’est bien, continue. »
J’ai relevé la tête et balayer du regard cette pièce presque vide. Mes seules possessions…
« Une… Peluche et un porte-plume. »
« Bien. Maintenant, nomme-moi trois personnes que tu connais. » L’obscurité s’est épaissi. «« Ne pense pas au cauchemar, concentre-toi sur ces trois personnes. »
« Il y a toi. Il y a mon frère. et… » J’ai fermé les yeux. Ne pas penser au cauchemar. C’est mon œuvre, tout est créé par mes pensées. Je dois seulement réfléchir à… Elle, mon frère, et l’homme qui livre le lait. Elle, mon frère et l’homme qui livre le lait. J’ai senti le cauchemar se diluer. « Il y a aussi cet homme qui livre le lait. Il passe tous les matins. Il sent le lait caillé. »
« Maintenant, respire et parle-moi de trois parties de ton corps. »
Les murs sont revenus doucement à leur place. L’oxygène est revenu dans une bouffée d’air frais.
« Mes doigts… Mes yeux… Mon cœur. »
Les sensations étranges qui viennent avec le cauchemar se sont effacées. Il ne reste que le sang sur mon visage et son sourire soulagé.
« Bien, respire. Ca va ? »
« Ca va mieux. »
Elle a agité son doigt sous mon nez.
« Tu vas faire cet exercice à chaque fois que cela te reprend. Un Fragment qui ne maitrise pas son pouvoir, c’est anormal ! »
« Pardon. »
Elle s’est servie dans mes armoires. Je ne possède pas grand-chose mais elle parvint à trouver un thé à son goût. Une casserole d’eau fut mise sur le feu, et deux verres furent posés sur ma petite table.
« Merci de m’aider. »
« Tu es encore relativement nouveau. Il n'y a pas de soucis. »
Je l’ai regardée partir, le soir même. Selon ses propres mots, elle ne pouvait pas rester plus longtemps. L’apparition des Marcheurs de Brume effraie tous les Fragments, y compris les rêves les plus beaux.
C’était la seule à pouvoir calmer mes crises et elle s’en est allée. Il va me falloir vivre autrement jusqu'à son retour.
Ce qui est au fond de moi doit rester caché. Toutes mes envies les plus sombres, toutes ces choses qui essaient de remonter à la surface, qui grognent et griffent et mordent et lacèrent la surface de mon esprit, laissant des marques glauques et morbides sur ma psyché.
Je suis plus fort que ces envies de sang. Je suis plus fort que ces envies de sang.
J’ai serré mon poing, et quand la panique vint, mes souvenirs ne me firent pas défaut.
Nomme trois choses dans cette pièce, pensais-je. Reste calme, nomme trois choses dans cette pièce…
[Fragment de Cauchemar]
