L’odeur de la cire qui coule et coule et coule le long de la bougie pour mourir sur la table, dans une petite mare de la couleur des saphirs qui ornent mes poignets.
Plume à la main, j’ai jeté des mots sur mon carnet, à l’ombre des bougies, m’usant les yeux et me noircissant les doigts de l’encre bas de gamme qui déteint sur le papier. Je ne m’en soucie que bien peu. Personne ne posera jamais le regard sur mes lettres et ce qu’elles contiennent.
Mes pensées sont ailleurs, s’envolent vers mes vallées, mes forêts et ce monde qui est mien.
Est-ce vrai ? Le givre est-il destiné à recouvrir le monde où j’ai grandi, jusqu’à l’en étouffer ?
Dés l’instant où j’ai posé le point final, j’ai scellé la lettre avant de la jeter dans le feu. Comme les autres. Voilà qui m’aide à fixer mes pensées et à prendre les décisions les plus importante.
Bien. Je me battrais donc pour les droits de ma terre natale. Pourquoi en serait-il autrement ? Est-il sain d’abandonner sa mère ? Son père ? Ses enfants ?
Pourquoi abandonner un monde tout entier et ce qui le compose serait un acte moins ignoble que l’abandon d’un proche ? Le sang et la terre ne font qu’un. Les collines nous nourrissent, nous portent à la lumière et prennent soin de nos corps vieillissants et déclinants quand le temps vient.
J’ai mis sous terre toute ma famille, dans la glaise confortable des marais, loin de Cobley et de Bakhtin. Le froid et le givre ont emplis leurs ventres.
J’ai survécu. Je sais chasser. J’ai appris les arts qui permettent de confectionner des habits chauds. J’ai refusé de me laisser aller au froid et à la maladie. Planche par planche, j’ai construit ce qu’il fallait pour que le givre ne m’atteigne plus. Toutes ces connaissances de Snjor, tout ce qu’il faut savoir sur ce qu’ils nomment l’isolation thermique… Tout est mien. Et je n’ai pas pu le partager avec ceux qui partagent mon sang. Maintenant, par ma faute, ils dorment dans la glaise.
J’ai jeté une autre lettre dans le feu.
Quand il le faudra, alors je laisserais ce monde mourir et dormir à son tour dans la glaise de l’inconnu pour me réfugier sur CLAPS. Mais ce n’est pas encore l’heure. Pas encore.
Je n’abandonnerai pas cette terre. Vous ne devriez pas, vous non plus.
[indépendantiste]