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 Le moulin aux milles Lys

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W. E. Barrett
Fantôme du Passé - Apatride
W. E. Barrett

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MessageSujet: Re: Le moulin aux milles Lys   Le moulin aux milles Lys - Page 2 EmptyJeu 22 Aoû - 23:49

Alors voilà. Voilà comment il m’a retrouvé. Mais c’est impossible. J’aimerais savoir mais…
Ce n’est pas le moment. Quelque chose flotte dans les airs. Quelque chose d’électrique.

Ce n’est pas à toi de décider, c’est à elle ! En plus l’appareil est inutilisable sans la pièce !

J’ai enfin d’ajouter quelque chose, mais… D’accord. Je me suis déplacé, j’ai soulevé une épaisse couche de dossiers en carton et en ai extrait une double feuille bleu couverte de tampons.

J’hésite, je la garde contre moi. Cette fiche porte ma trace. Mon adresse. Ma certification. Pourquoi devrais-je ?…


Si Lindblum peut construire cette piéce, alors pourquoi ne pas attendre que...

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Cliff
Fantôme du Passé - Aérien
Cliff

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MessageSujet: Re: Le moulin aux milles Lys   Le moulin aux milles Lys - Page 2 EmptyVen 23 Aoû - 0:03

Lou.

Je me suis tourné vers la jeune femme.

Ton appareil. Il va falloir faire les choses bien.

J'imaginais quelque chose de petit dans le train. Une petite idée un peu folle ou une excentricité sans aucune possibilité de réalisation dans le monde réel. Pas une évolution totale d'un médium existant. Lindblum est intéressé par toutes les inventions, mais là... Là c'est bien plus.
Je ne sais pas si l'appareil possède un avenir mais peu importe. Peut-être qu’il se perdra dans les brumes du temps, condamné à l’oubli. Peut-être qu’aucune applications ne seront trouvées. Peut-être que cela ne deviendra que l’outil utilisé par quelques originaux. Ce n’est pas la question.

Demander l’aide de Lindblum est une bonne chose. Il pourra probablement trouver la solution à ton problème. Seulement voilà. Si tu travailles avec lui sur ce projet, cela deviendra le sien. Parce que c’est le Docteur Lindblum.

L’ombre du docteur pourrait couvrir ce moulin. Faut-il laisser Lou se faire dévorer par la notoriété d’un autre ?

Je ne dis pas qu’il ne faut pas demander son aide, bien que je sois persuadé qu’il te serait possible de trouver la solution par toi-même. Cependant, avoir une garantie est une bonne chose. Un moyen de prouver que c’est TON appareil.

J’ai tiré la feuille d’entre les mains de Barrett et je l’ai tendu à Lou.

Un dépôt de brevet.
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Lou'
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MessageSujet: Re: Le moulin aux milles Lys   Le moulin aux milles Lys - Page 2 EmptyVen 23 Aoû - 10:57



Je... Je ne m'attendais vraiment pas à ça. Un baillement, un "c'est bien ma petite", un sourire compatissant, voila tout ce que j'ai récolté pendant des mois, des années sur le continent à essayer d'expliquer mon projet. Ca, cette réaction... C'est inatendu. Mais de cette satisfaction inespéré face à l'enthousiasme de Barrett, mon plaisir est redescendu d'un coup. Le regard de Cliff est une véritable arme. Je me demande si les petites lunettes rouges y sont pour quelques choses, ou si elles évitent au contraire à son adversaire de mourir sur le coup. L'enthousiasme de Barrett s'est dissout dans le gris de ce regard. Le mien aussi.

J'ai crispé mes doigts autour du verre d'eau, comme une petite fille attendant de se faire gronder sans savoir quelle bêtise elle a commise. Je savais que je n'aurais pas du raconter mon invention à Cliff. J'ai tellement d'estime pour lui, il est tellement au-dessus de tout ça, ce ne sont que des infantillages pour lui, un caprice de petite fille gâtée courant après le jouet qu'elle n'a pas encore dans sa collection. Lui lute pour sa vie, il doit avoir de grands idéaux, s'être battu pour les déffendre. Moi, je ne fais que prendre des photos... Pourquoi a-t-il seulement accepté que je le suive ?

Mais ce n'est pas ça. Je crois. On dirait. Je ne comprend pas tout. Qu'est-ce que ? Mais de quoi diable parle-t-il ? J'ai essayé de les interrompre plusieurs fois, puis ai refermé la bouche sans émettre la moindre parole. J'ai cherché un regard, je n'en ai pas trouvé. Ni l'un ni l'autre, c'est comme si je n'étais pas là. Ils parlent de moi pourtant, mais j'ai l'impression que c'est autre chose. Cette tension. Ce n'est pas moi qui la produit. J'en suis peut-être le déclencheur, mais pas la cause. Barrett hausse le ton. Je n'imaginais pas la moindre once de colère capable d'émaner de ce corps. Cliff garde son calme, comme d'habitude, mais je sens que quelque chose bouillonne en lui. Est-ce... Une rancoeur envers Lindblum ? Je suis sidérée d'apprendre que cet inventeur ne soit pas un saint. Que quelqu'un puisse lui en vouloir. Que JE pourrais lui en vouloir. Est-ce qu'il parle vraiment d'un vol d'idée ? Lindblum ?! Mais enfin cet homme a six idées impossibles avant le petit-déjeuner ! Pourquoi serait-il intéressé par ma toute petite idée de rien du tout ?

Sauf que ce n'est pas rien du tout. C'est ce qu'ils ont l'air de penser en tout cas. C'est ce que Cliff a l'air de penser. Voila qui est encore plus inattendu. Il arrache le mystérieux papier des mains de son ami, et soudain je réapparait dans la pièce. Deux paires d'yeux braquées sur moi. La tension redescend, le flot de parole ralentit. Est-ce qu'ils attendent une décision de ma part ? Si c'est le cas ils vont être décus, je n'ai pas la moindre idée de ce qui se passe ici. Je sens la colère de Barrett rayonner vers moi. Comme les vagues se heurtant aux rochers tout à l'heure. Je n'ai pas la moindre idée de ce qui se passe ici. J'essaye de ravaler cette colère. Ce n'est pas la mienne. Cliff m'a tendu le papier et je l'ai saisi lentement. C'est peut-être un début d'explication. Je l'ai parcouru de regard, ai bien lu chaque mot. S'ils attendent une décision, qu'ils attendent. Aujourd'hui est peut-être le jour le plus important de ma vie, je ne vais pas laisser deux hors-la-loi de rien du tout me faire regreter quoi que ce soit. Sauf que mes deux hors-la-loi n'ont pas l'air hostiles. Parce que ça, ce papier, ça ressemble beaucoup à un dépot de brevet.

J'ai levé des yeux plein de questions vers Cliff. C'est stupide. Cliff ne dira pas un mot de plus. J'ai reporté ce regard vers Barrett. J'aimerai juste comprendre.

J'aimerai juste comprendre...

Mes tourments se sont échappés de mes lèvres dans un murmure. Je continue de fixer Barrett. Je finis mon verre d'eau pour gagner un peu de temps. Toutes ces questions, je dois les empêcher de s'échaper de moi dans un torrent diforme et incompréhensible. Qui est vraiment Lindblum ? Ont-ils raison de ne pas lui faire confiance ? Si je signe ce document, est-ce que je ne me met pas en porte-à-faux avec lui ? Pourquoi ce conflit ? Barrett voulait laisser Lindblum me voler mon invention ? Ou bien Cliff est paranoïaque ?

Pourquoi... Pourquoi disiez-vous que je pouvais décider ?

J'ai posé la feuille à plat devant moi.

Quelle choix puis-je faire, vraiment ?

Je n'ai plus adressé un seul regard à Cliff. C'est à Barrett que je m'adresse, lui seul. J'ai rangé consciencieusement mon appareil dans son étui, presque honteuse d'avoir causé cette situation. Ce n'est qu'un tout petit fragment des milles questions que j'aimerai leur poser, mais je vais devoir temporiser. Peut-être que s'ils acceptent de répondre à cette question, ils accepteront que j'en pose d'autre. J'espère que Cliff ne va pas foudroyer Barrett avant la fin des explications.

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W. E. Barrett
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W. E. Barrett

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MessageSujet: Re: Le moulin aux milles Lys   Le moulin aux milles Lys - Page 2 EmptyLun 26 Aoû - 11:13

Cliff n’a pas fait ce qu’il fallait. S’il était doué avec les gens, il aurait rassuré Lou, lui aurait expliqué la situation en détail et n’aurait pas caché autant de chose sur sa vie.
Après tout, même moi j’en ignore encore beaucoup.

La nuit tombe paisiblement. Quelques étoiles percent un ciel rose et rouge, bordant la forêt au loin. J’ai refermé la porte et j’ai enclenché le verrou. Il est inutile si ce n’est pour apaiser mes craintes. J’ai fermé les fenêtres et j’ai vérifié l’état de l’alambic.
Rien n’est encore terminé.

Cliff est resté silencieux. Pèse-t-il ses mots ? Trop tard, c’est à mon tour.

Bien. Avant toute chose, nous allons te raconter une histoire. Cliff, tu combleras les vides à l’envi.

J’ai esquissé quelques gestes dans les airs et je me suis déplacé. Ce n’est plus un parquet messieurs dames, non. C’est une scène.



Autrefois, en des temps et des lieux que nos moments présents touchent encore du bout des doigts, un royaume si vif et inébranlable qu’on le disait fait de l’écorce des arbres. En ce royaume vivait un jeune empereur qui s’ennuyait.
Engourdis sous le poids des responsabilités, le garçon voyait son esprit, son âme se dessécher comme une fleur se fane sous chaque décision à prendre, sous chaque vie à soustraire pour garder ce qui était sien. Comme tout bon dirigeant, il possédait de nombreux conseillers se lovant au creux de son cou, murmurant des conseils parfois avisés, parfois maladroits à ses oreilles.
Un de ces conseillers, le plus vif mais le moins sage, lui conseilla de mettre la main sur les deux pouvoirs principaux du Royaume.

L’armée serait, lui dit-il, votre bras droit, pour assurer votre prise sur l’épée qui repoussera vos ennemis.
L’administration sera, ajouta-t-il, votre bras gauche, pour assurer de votre bouclier la sécurité de vos amis et de votre famille.
Soyez tout de fer, soyez tout de muscle. Ne montrez aucune faiblesse et frappez sans attendre, car c’est en ce moment d’hésitation que le bras tremble.

Ne pouvant résister à ce qui semblait être une action juste, l’Empereur n’avait ni le recul ni la sagesse de refuser. Il démantela les contre-pouvoirs et dompta l’administration et l’armée. Son bras droit et son bras gauche agirent de concert pour repousser toutes les menaces qui osèrent s’approcher du flambeau qu’était le royaume et l’Empereur fut aussi heureux qu’il pouvait l’être.

Paix et prospérité se déposèrent ainsi sur tous les habitants du Royaume. C’est le message qui fut porté à travers les terres, et tout le monde s’en contenta sans s’assurer de la véracité de la chose.


Et voici un nouveau personnage.


Dans un tour de main, je fis apparaître une bougie allumée dans ma main gauche. J’observe une pause et la tend devant moi, la faisant danser doucement pour appuyer mes propos.



À l’aube d’un jour d’été, un jeune garçon ne pouvant voir les couleurs s’éveilla aux tâches quotidiennes de l’administration. Elles n’étaient ni drôles ni attendrissantes, mais elles tenaient éveillées ses envies de vivre et cela lui suffisait. Ce jeune garçon ne possédait aucun talent particulier, si ce n’est celui de paraître confiant.
Rapidement, celui qui ne pouvait voir les couleurs découvrit qu’un propos prononcé avec certitude donnait une illusion de compétence et que ce talent seul suffirait à souffler les plus belles choses dans l’esprit des gens. Sans hésiter, il obtint rapidement ce qu’il voulait, déplaçant ses fautes sur d’autres et gardant tout compliment pour sa personne.
Aveuglé qu’il était, l’Audacieux ne vit pas le danger de cette méthode et arma lui-même le piège qui se refermerait plus tard sur lui.

Il devint ami avec l’Empereur au hasard des rencontres. Ce qui se devait d’être incroyable n’était en réalité qu’une formalité : le jeune dirigeant collectionnait les amis comme certains collectionnent les timbres. Si ce n’était réellement intime, quelques mots étaient parfois échangés au détour d’un verre de liqueur, ce qui suffisait. L’Audacieux fit l’erreur de croire à cette relation qu’il pensait diamant sans reconnaître le manque d’éclat du verre. Comment aurait-il pu ?

Et puis, quelque chose se brise. Au fil des années, le pouvoir du jeune Empereur s’émousse, à force de conflits armés contre un autre empire et de décisions irréfléchies, à force de mots autoritaires et de silences imposés.
Et l’administration lui échappe, tombe au sol et de multiples éclats se répandent. Des groupes de résistance se forment, lassés de la guerre, au sein même de ce qui était autrefois au service de l’Empereur.

La panique s’empare du royaume et la révolte gronde. Comment échapper à sa propre main ? Comment reprendre le contrôle de ce qui vous appartient ?

Alors… L’empereur joue avec le budget comme les enfants jouent aux billes et déplace de massives sommes d’argent. Des centaines de milliers de fonctionnaires migrent de force vers l’armée sous prétexte de l’effort de guerre. Parmi ces grattes-papiers poussés vers le front pour devenir soldat se trouvait l’Audacieux qui ne comprenait en rien ce qui lui arrivait.

Passant de main en main et de services en service, celui qui ne pouvait voir les couleurs vit son monde déformé, tordu par les pouvoirs invisibles d’une administration et d’une armée qui lui semblaient devenir monstrueuses.

Alors, il apprit aussi vite qu’il le put. Et vint le dernier des personnages.


De mon autre main, une seconde bougie fut découverte. La lumière vacille sur les murs recouverts de l’obscurité naissante de la nuit et sur les visages de Lou, de Cliff, sur les mécanismes rouillés de l’alambic et tout au long de mes amis éteints.



Ce fut dans les rangs de l’armée qu’il rencontra un autre garçon, que je nommerai le Menteur. L’audacieux et le Menteur avaient nombre de qualités en commun mais encore davantage de but et de projets partagés. L’Audacieux voulait disparaître, ne plus laisser de ses empreintes alors que le Menteur quant à lui ne rêvait que du ciel.
Pour avoir des ailes il faut de l’argent, se dirent les deux garçons, et si le courage ne manquait pas il n’apportait en rien les liquidités nécessaires à leur entreprise.

Alors ils allièrent leurs qualités.

Le Menteur enseigna à l’Audacieux ce qu’était l’empathie. Rien n’était plus difficile en ces terres de meurtre. L’Audacieux apprit au Menteur les mécanismes de la société, et ce qu’il fallait faire pour gagner cet argent tant désiré.


Et ils mirent leur plan en branle.

Durant de nombreuses années, l’Audacieux et le Menteur arnaquèrent nombre de gens au sein de l’armée. Ils firent si bien qu’en cinq ans l’avion put être acheté, discrètement.
Et un jour, alors que l’Empereur faisait pleuvoir le feu et le sang sur ses ennemis, l’odeur de la poudre parvint jusqu’aux deux hommes. L’orage vint et avec lui, la mort et la souffrance.

L’Audacieux en eut assez. Puisque leur but était atteint, leur amitié touchait à son terme également. Il prit la décision de quitter les rangs de ceux qu’il méprisait et d’enfin disparaître hors de ce royaume, avant que la guerre ne les frappe.
Voilà le moment de payer nos dettes, fit-il au Menteur. Crois-tu pouvoir exaucer ton vœu aujourd’hui ? Je t’aiderais si tu m’aides en retour, car tout se paie.

Le Menteur et l’Audacieux scellèrent leur accord d’une poignée de main. Il fut décidé de prendre les airs au petit lever du jour.

Et puis… Rien ne se passa comme prévu.

L’Empereur, décidant de passer en revue ses troupes, se rendit sur le campement de l’Audacieux et du Menteur.
Les mensonges et les petites arnaques des deux garçons furent rapportés aux autorités. Si les petites combines n’étaient pas prises en compte en temps normal, il était bien trop dangereux de les dissimuler en présence de l’Empereur lui-même. Était-ce de l’excès de zèle ? Une volonté de montrer du pouvoir en sa présence ? Personne ne le sait.

Mais ce que l’histoire raconte, c’est que le Menteur fut capturé et que l’Audacieux eut l’occasion de s’envoler en avion pour enfin s’enfuir, au prix de l’abandon de son partenaire. Ou bien était-ce l’inverse, l’Audacieux captif et le Menteur libre de s’envoler ?

S’emparant de l’avion destiné à leur fuite et renonçant finalement à sa liberté, l’Homme Libre fit tomber avec rage l’appareil sur le campement, libérant ainsi l’Homme Captif. De nombreux morts furent à déplorer et le feu rongea tout ce qu’il put toucher. Seul un des deux garçons parvint à s’extraire des flammes, et dans le chaos des cendres et des braises, s’échappe.
Malheureusement, l’autre reste, inerte à jamais, englouti par la terre et la poussière sans même une cérémonie d’enterrement, hais par ce pays qu’il méprisait et détesté par tous ces hommes qui avaient combattu à ses côtés.

Des trois personnages, l’Empereur fut celui qui fut le moins touché par l’histoire. S’il avait su reconnaître son ancien ami, alors peut-être que les choses auraient été différentes. Peut-être qu’aucun morts n’aurait été à déplorer. Il est dit que suite à cette histoire, ses conseillers furent tous mis à la porte. Il n’était plus possible de faire confiance à qui que ce soit d’autre que lui-même.

L’Homme Libre, quant à lui, personne ne le revit. Certains pensent qu’il a pris la mer. D’autres disent que l’homme est mort à son tour dans un pays lointain, de maladie.



J’ai laissé un silence planer. Cliff ne semble pas intéressé par mon histoire, ou bien est-il indigné par tous ces morceaux de fiction que j’ai pu y insérer.
Je me suis servi un thé et je leur en ai proposé. De petites tasses en gré servent de récipient.

Tu veux savoir la vérité, Lou ? De ce que je viens de raconter, une bonne moitié est inventée de toute pièce.

Pourtant, c’est ce que de nombreuses personnes savent. Ils ne connaissent ni mon visage ni celui de Cliff, pas même notre nom. Et pourtant, ces histoires circulent, à moitié vrai à moitié fausse. Parce que c’est comme cela que fonctionne l’essence humaine, à travers les histoires. Crois-tu que les foules se soucient de savoir ce qui est vrai ? Les foules résonnent avec ce qui sonne harmonieusement, le reste n’a pas d’importance.

Du passé il ne restera que les histoires. D’ailleurs, c’est même le nom que l’on a fini par lui donner.


J’ai soufflé sur mon thé dans une tentative maladroite de le faire refroidir.

Ce que Cliff essaie de dire, ce n’est pas que Lindblum veut voler ton invention, ni que Lindblum est mal intentionné. Il ne l’est pas. C’est même quelqu’un de charmant. Mais…

Imagine, tu es un inconnu. Tu n’as jamais entendu parler de la situation et tu apprends qu’une invention révolutionnaire vient d’être mise à jour par le Docteur Lindblum, inventeur le plus célèbre de l’histoire, accompagné d’une illustre inconnue ? Qu’est ce qui te vient spontanément à l’esprit ?


Je balaie de la main des problèmes invisibles.

Peu importe si Lindblum t’aide qu’un tout petit peu. S’il intervient dans le processus, tout le monde pensera à jamais qu’il était en réalité derrière cette invention et que tu t’es contenté de t’en attribuer la paternité. Parce qu’il est connu et que tu ne l’es pas. Et que c’est un inventeur génial.

Mais tout de même. Contrairement à Cliff, je ne serai pas aussi prudent. S’il peut t’aider, alors c’est une bonne chose. Non ?
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Lou'
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MessageSujet: Re: Le moulin aux milles Lys   Le moulin aux milles Lys - Page 2 EmptyMar 27 Aoû - 17:48




J’ai assisté à la scène abasourdie. Moi qui voulait des réponses, je crois que je vais être servie. Le menton posé sur mes deux paumes de mains ouvertes, séduite et passionnée, j’ai écouté l’histoire de Barrett comme si plus rien n’existait autour.

Si la pièce est une scène et que Barrett est un acteur, je comprends peu à peu que dans sa fable, certains des personnages ne sont pas si imaginaires qu’ils en ont l’air. Prestidigitateur, il fait apparaître une bougie dans sa main. Cliff. C’est Cliff, sans aucun doute, l’homme qui ne voit pas les couleurs, c’est évident. Ainsi Cliff a vécu dans les hautes sphères. Ça ne rend sa chute que plus intrigante.

Une deuxième bougie. Les ombres se font ballet de danseurs, à glisser sur les murs au gré des mouvements du comédien. Les frontières entre fiction et réalité se brouillent peu à peu. Ce « menteur » qui se cristallise dans cette deuxième bougie, serait-il notre hôte ? En cet instant, barde conteur de légende, le sobriquet lui serait adapté.

Plus l’histoire avance et plus mon regard sidéré bascule régulièrement sur Cliff. C’est donc ça. Cette peine, cette colère froide enfoui dans ce regard gris. Toute cette amertume et ces regrets…

L’histoire s’interrompt. Les bougies retournent sur la table, et les ombres s’apaisent. Si le Menteur est réellement mort à la fin, alors Barrett n’y était pas. Mais avec la fin de l’histoire revient aussi la vérité. Que Barrett soit réellement mort ou qu’il vive ici en reclus sans fréquenter d’autres créatures que ses robots silencieux, quelle différence pour le reste du monde ?

Je regarde Cliff. Il ne fera pas le moindre commentaire, évidemment. Je suis déjà surprise qu’il ai laissé Barrett parler si longtemps d’un personnage qui est d’évidence lui. J’avais entendu parler de l’incident à l’époque. Je n’ai jamais vraiment eu d’engagement politique, ça ne m’avait pas atteint puisque je n’y avais pas été. J’aurais aimé pouvoir vendre des clichés de ce crash d’avion, mais il était trop tard désormais. Je ne m’étais pas déplacée. Quel intérêt y a-t-il à photographier un nuage de cendres ? Si j’avais su à ce moment que je rencontrerai les deux responsables, j’aurais peut-être porté une attention différente à l’incident. Je regarde alternativement mes deux compagnons. Ces destins incroyables, si souvent tordus, brisés. A jamais entremêlés. Je comprends mieux désormais toute cette pesanteur autour de leur retrouvailles, ce lien silencieux qui rend leur amitié éternelle et évidente.

J’ai prêté beaucoup d’attention aux explications de Barrett. Ce n’est plus l’histoire, c’est la vérité, je la grave dans ma mémoire. La vérité est trop précieuse avec un entourage comme eux pour se permettre de la laisser s’enfuir quand elle s’offre enfin à moi. Ce ne sont que des pièces, mais je commence déjà à voir se dessiner le puzzle.

J’ai noyé mon regard dans la contemplation des volutes de fumée s’échappant de la tasse de Barrett. Son souffle les bouscule, elle se dispersent, s’emmêlent, puis reprennent leur danse. C’est un gala sublime. L’éphémère que je voudrais transformer en éternité.

Vous souvenez-vous de celui qui a inventé l’appareil photo ?

J’ai relevé mon regard que j’ai planté dans les yeux de mes hôtes. La réponse au dilemme se forme sur mes lèvres en même temps que dans mon esprit. C’est évident. J’ai continué.

De celui qui a tissé la première toile ? De celui qui a conçu la recette de la peinture ? Savez-vous qui a inventé le violon ? Et le burin qui sculpte le marbre, qui l’a fabriqué le premier ?

J’ai passé mon regard de l’un à l’autre, éclairé par les flammes oscillantes des bougies. Je suis assez fière de ma petite introduction. Assez fière du cheminement de ma pensée.

Si Lindblum veut s’attribuer mon invention, grand bien lui fasse. Si l’humanité veut lui en donner la paternité après tout quelle importance ? Je n’ai jamais voulu de la gloire. Ce ne serait qu’un dommage collatéral, un fardeau un peu pesant pour ces petites épaules frêles. Si la notoriété doit m’atteindre, je préfère qu’elle atteignent mes créations. C’est elles qui me survivront après ma mort. C’est elles qui ont leur place dans l’Histoire. Pas mon nom, et encore moins celui de la personne qui a inventé l’outil. Cette invention, ce n’est que l’invention d’un outil. Un outil dont j’ai besoin pour mes créations. C’est tout. Un outil dont j’ai besoin. Si d’autres veulent s’en servir également, formidable. S’ils pensent que c’est un procédé inventé par Lindblum, peu importe. Moi il y a des mouvements que je souhaite immortaliser, et je ferai ce qu’il faut pour que l’outil adéquat se mette à exister.

J’ai repoussé le papier vers Cliff.

Merci. Mais je n’en aurai pas besoin.

Pas de conflit entre lui et moi avant même notre rencontre. Il sera suffisamment temps de parler de droit quand la solution aura été trouvé et qu’il y aura quelque chose sur quoi revendiquer ces droits. Chaque chose en son temps.

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Cliff
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MessageSujet: Re: Le moulin aux milles Lys   Le moulin aux milles Lys - Page 2 EmptyMer 28 Aoû - 1:09

J’ai déjà entendu cette histoire. Était-ce autour d’un verre quelque part sur le continent ? Dans une ruelle sur l’archipel ? J’ai toujours su qu’il était à l’origine du tissage de cette histoire.
Je me demande s’il sait à quel point son récit se promène et se déforme au fil du temps.

Soyons clair sur un point : je ne serai pas fier de quelque chose de fictif. J’ai presque envie de corriger l’histoire, point par point, mais j’ai peur que la banalité de mes ajouts soit un plomb dans l’aile de son récit. La réalité est d’un ennui…

Lou a dévoré le spectacle de Barrett sans hésitation. Et puis, elle dirige son regard vers moi, comme pour demander confirmation de la véracité de la chose. Je ne m’abaisserai pas à hausser les épaules, alors je reste impassible.

Avouer un mensonge pour en faire avaler un plus gros à son public, voilà un tour issu de l’esprit malade d’un magicien. Tout comme les bougies : l’esprit se concentre sur les tours de passe-passe et sur l’objet, il ne se concentre plus sur l’histoire. Rien de tel qu’une histoire et quelques tours de carte pour pénétrer les murailles de l’ennemi.

Cependant, Lou n’est pas une adversaire, pas plus qu’une cliente.

Je n’aime pas sa façon de faire.

Est-ce par nostalgie ? Par manque de contact avec d’autres humains ? Par pure démangeaison ? Barnett aurait pu se passer de cet acte, et pourtant il a choisi de glisser sur les planches pour s’attirer la sympathie de Lou.

Et finalement, me voilà à respecter encore davantage la jeune femme. Elle refuse ma proposition à l’aide d’arguments sensés. L’argent et la gloire, c’est secondaire. Bien qu’elle ait probablement raison, je ne peux m’empêcher de penser que c’est une réflexion de quelqu’un qui n’a jamais eu à se battre pour manger.
Non. C’est faux. Elle n’a plus rien d’autre que son appareil photo. Ne rabaisse pas sa décision ( légitime ) par simple frustration personnelle, ce serait injuste. Elle privilégie la rationalité à l’émotionnel, je devrais être ravi.

Alors pourquoi n’en suis-je pas satisfait ?


Je n’insiste pas. C’est ton invention c’est ta décision.

Probablement une meilleure décision que celle que j’aurais pu prendre. D’un autre côté, j’aurais été incapable d’inventer quelque chose qui puisse me rapporter un seul centime alors la question ne se pose pas et ne se posera jamais.
C’est rageant, j’aurais probablement rempli ce dépôt de brevet avant même que Barnett ne prenne la parole. Suis-je quelqu’un avec moins de valeurs morales ?

Tu as encore deux jours pour changer d’avis. C’est amplement suffisant.

J’ai accepté un thé, de bon cœur.

Bon. C’est le moment des histoires, mais je n’en possède aucunes qui ne valent la peine d’être racontée. Lou, et si tu nous racontais quelque chose sur toi ? Quelque chose de vrai de bout en bout.
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Lou'
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MessageSujet: Re: Le moulin aux milles Lys   Le moulin aux milles Lys - Page 2 EmptyLun 13 Avr - 16:21



La tension se dissipe doucement, comme les volutes qui s'échappent des tasses de thé. Le jour s'éteint, les petits amis de fer de Barrett semblent endormis en rang-d'oignon. Le règlement de compte par métaphore interposé se transforme doucement en soirée cosy au coin du feu. Je sirote ma tasse de thé lentement. Pour la première fois depuis longtemps, je n'ai rien a faire. Pas de train à prendre, pas de mystérieux compagnon à suivre, pas d'idéaux fous à chasser. Pour la première fois, la meilleur chose que je puisse faire, c'est simplement attendre. C'est apaisant.

J'ai adressé un sourire amusé à Cliff. Il ne manque pas de toupet de déclarer qu'il n'a pas d'histoire intéressante à raconter, après le mystérieux récit semi-autobiographique que nous a dressé Barrett. Mais je n'en attendais pas moins de lui. Sans tous les mystères dont il se pare, Cliff ne serait plus lui même. En attendant il me retourne la proposition, et je reste démunie un court instant.

Je n'ai pas vraiment d'histoire à raconter... Tout ce que j'ai vu d'intéressant, je le raconte avec mes photos. C'est le moyen le plus abouti que j'ai de m'exprimer. Le reste ne mérite pas vraiment de récit.

J'ai posé instinctivement la main sur l'étui de mon appareil, que j'avais rangé après ma démonstration. J'ai senti rouler sous mes doigts la petite excroissance que crée la pellicule que j'ai déchargé. Il y en a une deuxième aussi, que j'ai vidée à bord du train. Il va sans dire qu'avec tout ça, je n'ai pas eu beaucoup de temps pour développer mes clichés.

D'ailleurs, Monsieur Barrett, peut-être auriez-vous quelque part une petite pièce bien gardée de la lumière, dans laquelle je pourrais tirer mes dernières photos ? Il y a dessus des expériences faites avec les lunettes de Cliff dont il me tarde de voir le résultat.


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W. E. Barrett
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MessageSujet: Re: Le moulin aux milles Lys   Le moulin aux milles Lys - Page 2 EmptyVen 24 Avr - 19:00

Alors c’est tout ? Je serais le seul à m’essayer à l’autobiographie ce soir ?

Quelle déception.
Quels mensonges.

Aucunes histoires dignes de ce nom ? Je suis certain que Lou en possède plus qu’elle ne le prétend. Ne parlons même pas de Cliff. Battre la campagne pendant des années suffit à faire naître les anecdotes les plus intéressantes, celles qui font rires à gorges déployées de stupeur, ou bien celles qui peignent votre interlocuteur sous un nouveau jour et vous permet d’enfin comprendre certaines choses qui demeuraient obscurs depuis bien trop longtemps. Les meilleures soirées sont celles qui sont tissées de ces histoires, permettant de forger un lien entre ses habitants par les mailles solides des confidences.
J’ai fixé Cliff et Lou d’un air sceptique.

Vous pourriez faire un effort. Il n’y a aucune raison que je sois le seul à vendre mes petits secrets ce soir. Je ne vais tout de même pas demander à Jurg ou Alan de nous faire la conversation.

Je me suis penché distraitement vers le boîtier de contrôle de l’alambic. La distillation semble bien en route. Il me faudra garder un œil sur l’état des tuyaux d’ici les jours à venir : j’ai bien peur que l’axe de gauche ne commence à s’oxyder et à se déplacer sous la force du courant qui le traverse. Cela pourrait s’avérer gênant. Un décalage pourrait fragiliser la structure.
Les gros tuyaux se rejoignent et s’enfoncent ensemble à travers le plancher dans un entremêlement de cuivre et d’acier, vers le cœur du mécanisme.

Une pièce dans le noir ? C’est jouable. Cliff ?

Je lui ai fait signe de venir m’aider. Une fois son thé posé, nous avons soulevé la lourde table en chêne qui orne mon salon afin de la déplacer vers un coin de la pièce, révélant une trappe en bois, épaisse de plusieurs centimètres, sur laquelle est serti un anneau métallique de la taille d’une main.
J’ai saisi l’anneau en métal et j’ai soulevé la trappe juste assez pour que Lou puisse en apercevoir les effluves d’obscurité qui en émane.

Le moulin possède de nombreux mécanismes. Il fallait de la place pour installer ses tuyaux. Beaucoup de place.

J’ai terminé de soulever la trappe, en gémissant sous l’effort, avant de la bloquer contre le mur. D’un coup de pied, j’ai déplié l’échelle qui s’est écrasée au loin, dans le noir, soulevant un épais nuage de poussière.

J’espère que tu n’as pas peur des araignées.

Je n’ai pas pu retenir un léger rire, alors que je m’assure de la stabilité de la trappe, retenue par un crochet à deux battants.

Tu peux descendre, il y a un interrupteur contre le mur de gauche, à deux ou trois mètres de l’échelle. Fais attention à ne pas te cogner contre les tuyaux. Dis-moi si cela te convient.

Cette salle est une grande salle vide, à l’exception des mécanismes du moulin et des tuyaux qui la traversent : j’espère que cela lui conviendra.

Je vérifie un dernier truc et je t’y rejoins.
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Lou'
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MessageSujet: Re: Le moulin aux milles Lys   Le moulin aux milles Lys - Page 2 EmptyLun 2 Aoû - 18:10




Pendant que les garçons déplaçaient la table, je me suis accroupie près de mon volumineux sac à dos pour en sortir le matériel dont j’allais avoir besoin. Je commence par sortir les photos de mes parents, vieux réflexe sentimentaliste. Puis j’extraie du paquetage une pellicule positive, les deux petits lampions que j’ai bricolés afin qu’ils restent à un niveau lumineux suffisamment faible pour ne pas voiler la pellicule, un loupe, les gamelles en cuivre qui reçoivent les différents bains, et enfin les fioles contenant les solutions dans leur formule concentrée pour qu’elles ne tiennent pas trop de place dans ce sac où l’espace est si précieux. Je vais devoir les diluer. Je m’apprête à m’emparer du broc d’eau dont s’est servi notre hôte pour m’en servir un verre, mais je me ravise avant de me montrer impolie. L’enthousiasme débordant qui m’assaille à l’approche de la découverte des images que j’ai récoltées ce matin ne doit pas me faire perdre mes bonnes manières.

J’aurais également besoin d’un peu d’eau, est-ce que je peux emprunter cette carafe un instant ?

J’agrémente ma question d’un sourire sincère, à la vue de mes deux acolytes tous deux penchés au-dessus de l’abysse, comme on contemplerai un trésor. Je les rejoins, et entame la descente avec précaution, mon barda bien calé sous le bras. Dans l’obscurité, je pose pied sur ce qui me semble être de la moquette, avant d’être détrompée par le nuage qui s’élève jusqu’à mes narines et me fait éternuer. C’est de la poussière. Visiblement, les mécanismes du moulin ne sont pas entretenus très régulièrement… Je me dispense de rechercher à tâtons l’interrupteur qu’a évoqué Barrett, et préfère allumer directement mes lampions. Je m’oriente, d’abord plus ou moins à l’aveugle, puis, au fur et à mesure que mes yeux s’habituent à la pénombre, en découvrant l’incroyable décor qui m’entoure. Des tuyaux partout, de toutes taille et à toutes les hauteurs, s’enroulent et s’emmêlent, comme de gros serpents se lovant les uns contre les autres, créant un maillage labyrinthique. Certains gargouillent, et j’en conclue que l’alambique passe également par ce curieux sous-sol. Dans un coin un peu moins encombré, une planche en bois grossière est posée, soutenue d’un coté par un tréteau, et de l’autre par l’un des serpents de métal. Divers outils y sont posés, dont la plupart sont recouvert de la même uniforme couche de poussière. Je les pousse délicatement, et dépose mes affaires sur l’espace juste assez grand que j’ai réussi à dégager. J’accroche du mieux que je peux mes lampions à des écrous fixant des tubes à hauteur de mon visage. Leur lumière rouge pâle ondule doucement un temps avant de se stabiliser. Les gargouillement lugubres des tuyaux et l’obscurité dévorante de l’endroit ne sont pas rassurante, mais c’est bien l’excitation qui fait tambouriner mon cœur dans ma poitrine. Enfin je crois. Une grosse araignée travers la planche nonchalamment, et j’inspire profondément pour me calmer. Je commence par installer les deux photographies de mes parents, coincées chacune d’un coté de la table entre deux outils poussiéreux. Couvée par leurs regards figés, je me sens déjà un peu mieux. Je pose religieusement les deux prometteuse bobines à l’écart, avant de me mettre au travail. Remplissant savamment mes gamelles de cuivre, dosant avec exactitude mes petits flacons de couleur, j’ai plus l’impression d’être une sorcière alchimiste préparant un mauvais sort, qu’une photographe s’apprêtant à révéler ses photos de plage. J’espère que Barrett ne va pas trop tarder, et qu’il pensera à m’apporter de l’eau.


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MessageSujet: Re: Le moulin aux milles Lys   Le moulin aux milles Lys - Page 2 EmptyVen 6 Aoû - 23:55

Lou s’est laissée dévorer par l’obscurité filandreuse qui émane de la cave. Pour quelqu’un qui a fait de la lumière sa raison de vivre, elle n’a pas l’air de redouter son absence. Le risque de se faire croquer par une araignée en errance est faible, il est vrai. Faible, mais non négligeable. Et pendant qu’elle se fait digérer par ces serpents métalliques, j’ai d’autres prédateurs à mater.

Cliff ?

Un ton neutre, posé, amical. Après tout, nous sommes entres amis ici, aucune raison de hausser la voix. La première leçon pour ne pas faire fuir l’animal, aucun gestes brusques, aucun cris, aucune intention malicieuse. Un mouvement de tête presque imperceptible. Acquiesce-t-il ? J’ai épousseté rapidement la table des pétales déposées sur son bois, et je me suis assis sur son bord. Cliff s’est appuyé sur la porte, le regard dans le vague, ignorant mon invitation à prendre place sur le petit tabouret placé sous la table. Une question stupide qui ne trouvera pas de réponse, et pourtant elle me brûle les lèvres. Est-ce stupide de m’attendre à recevoir du courrier, des nouvelles, quand les limbes se trouvent être le dernier endroit sur terre qui accepte encore ma présence ? Et si mon océan personnel de Lys possède bien un défaut, c’est le manque flagrant de service postal efficace, rapide et… Existant.

Sur ces dépôts de brevet, ce n’est pas mon nom. Tu te doutes bien que si les créanciers ne sont pas parvenus à me trouver, ce n’est pas simplement en cueillant ces quelques documents officiels sur les premières branches de Meliadus que l’on peut me localiser.

Un semblant de sourire apparaît dans la lumière crépusculaire perçant à travers les fenêtres. Les ombres dansent sur ses vêtements, sur son visage, rendent ses traits difficiles à lire. Pourquoi m’avoir apporté ces documents ? Les inventions qui furent déposées légalement le sont-elles encore ? Comment avoir fait ce lien entre cette personne fictive et Barrett, l’idiot broyant des fleurs pour en faire de la vapeur ?

J’ai besoin de savoir comment tu m’as trouvé. J’ai besoin de savoir si les dépôts de brevets déposés sont encore valides.

Je me suis mordu la lèvre pour ne pas en ajouter davantage. Hors de question qu’il puisse se protéger à l’abri de mon verbe. Quelques mots, quelques approximations, et on me laisse combler les blancs. Bien trop aisé de me laisser parler et de flotter dans mon envie de porter la conversation. Pas cette fois.

Il ne m’a pas répondu, cadenassé dans un mutisme sélectif si purement Cliffesque que je n’en suis que peu surpris, et pourtant tout de même un brin déçu. Si tu connais mon adresse, alors tu aurais pu m’écrire. Mais si tu connais mon adresse, cela signifie également que tu n’es pas le seul. Qui d’autre ? Et si cette information émane de l’Empire…

Dis-moi que tu n’as rien à voir avec ce qu’il s’est passé à la préfecture judiciaire. Et par pitié, ne me réponds pas uniquement ce que je souhaite entendre.

J’ai croisé les bras dans un geste de défiance. Je n’esquisserai plus un geste, je ne murmurerai plus un mot, je n’expirerai plus le moindre souffle sans une réponse à ma question. Donne-moi ce que tu m’as toujours refusé, quelques grains de vérité.
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