Vous n'en avez pas cru vos yeux lorsque vous avez vu l'appareil arriver au loin. D'ailleurs, vous n'etiez même pas certain que l'invitation reçue était authentique, pas avant d'avoir vu d'autres personnes, tout comme vous, faire le déplacement.


Le plan qui se trouvait au dos de l'invitation menait à une petite île de l'archipel, isolée et cachée par quelques montagnes percants les nuages. Et d'une maniére ou d'une autre, vous y etes arrivés à temps.

Vous n'avez jamais apercu un tel appareil. Sur le continent comme sur l'archipel, la maitrise du ciel n'est pas encore au point. Les quelques avions qui y circulent sont encore au stade expérimental. Certains fonctionnent, bien entendu, mais beaucoup se montrent de petites bombes à retardement dont les essais se terminent dans le feu, le sang et les larmes.

Et pourtant... Voilà qu'un appareil volant arrive et que celui-ci semble même assez grand pour accueillir des voyageurs.

Rutilant. Acier, bois et une touche de peinture dorée là où il faut.
La machine est une merveille.

La passerelle s'est dépliée puis délicatement posée sur le sol. La porte s'est ouverte et moi je suis sorti, accompagné de deux autres golems. Si leur taille est imposante, c'est normal. Question de style.

Clip. Clop. Clip. Clop. Clip.

Ne vous moquez pas de ma démarche, je suis un grand sensible.


Ceux qui sont venus et qui ont répondus présent à l'invitation, veuillez vous présenter s'il vous plait.... Et ayez vos invitations bien en évidence !

Je vais pouvoir prouver au monde que je suis le meilleur guide jamais conçu, ou en tout cas je l'espére. J'espére qu'aucun d'eux ne possera de probléme, non plus.

Y'a pas à chier. Ca a de la gueule !
C'était ca ou balayer le caniveau jusqu'à la fin de ma vie, mais c'est pas dégueu comme alternative.
Un bel engin, des jolies filles et plein de trucs à voler là-haut !


Je me demande pourquoi le Don nous envoies là haut, moi et l'avorton. En tout cas, de bien jolies vacances !
Il y a interet qu'ils aient à boire là haut, sinon je casse tout.


Allez, avance l'avorton, on a pas toute la journée.
Je l'ai poussé en riant, et j'ai présenté mon billet au golem.

Une place pour le paradis, steuplé ! Et qu'ca saute !

Il me pousse en riant. Quel abruti. Pourquoi c'est lui que je me coltine pour ce voyage ?
S'il me saoule j'le balance d'en haut.


Légère bousculade et quelque chose tombe à mes pieds. Un livre ?


Excusez-moi.


J'ai ramassé l'ouvrage et je lui ai rendu.

De la poésie ? J'ai toujours aimé la poésie.


Quel mensonge. Lire, c'est chiant. Et la poésie c'est encore pire, c'est pour ceux qui restent dans les bibliothéques poussiéreuses à pourrir pendant que les gens comme moi font fortune en exploitant les autres. C'est tellement plus fun.
Mais au niveau physique, elle est entre le "waouh" et le "gha !", je ne crache pas sur ce genre de chose.
Alors je suis tout poli, tout dent tout sourire.

Tenez.


Bon. Mon billet. Où l'ai-je foutu ?


Wayne, attend-moi....

"…"


De la vapeur, puis du vent. La foule n'est pas si nombreuse mais parvient tout de même à être compacte, les gens se pressent les uns contre les autres.


Slush se fait un chemin, doucement, à travers les gens.


Une place pour le paradis, steuplé ! Et qu'ca saute !


Encore un infâme crétin. Y-a-t-il un seul endroit au monde qui n'en soit pas peuplé ? Et ce crétin se trouve dans le chemin.

Il suffit d'une petite poussée de l'épaule, et le crétin s'écarte sous l'impact.

Un petit sourire, et Slush continue aprés avoir présenté son billet au Golem.


"…"

C'est une bonne journée.

J’arrive en courant, la mèche un peu défaite, le regard qui file à droite puis à gauche : personne. Je transpire sous les bras.
Au coin de la rue, je vois le vaisseau. Je me recadre le col de chemise, je tire sur la toile du costard pour lui donner une second vie, et je lustre mes pompes sur le bas de mon froc. Ni vu ni connu.

Je respire en grand coup, regarde en arrière, et je froisse mon invitation dans la main avant de la jeter par terre et rejoindre le petit groupe qui attend.
Attendre, c’est pas mon truc ça.

Je m’approche discrètement, faut pas s’faire remarquer, tout dans la finesse Trapp….
Je me plante au milieu du groupe, et observe…
J’observe tellement que j'finis par tomber sur elle, elle et sa valise, assise façon cul-serré et son p’tit air coincé « j’me la pète moi, Môssieur ! » . Tout ce que j’aime ! Une poulette de la haute société pleine aux As. De quoi s’farcir les poches avec son oseille. Je tente l’approche classique mais efficace.

Je m’approche l’air de pas y toucher et j’lui balance un « beau temps pour voyager, n’est-ce pas ? » le tout gratiné dans un  accent English à tuer un pigeon en l’air.

Je mate  un peu les deux autres… pas nets, pas clairs, je m’en fous, j’ai déjà les autres qui m’collent au train arrière. Même pas peur.
Bien bien bien, on embarque, on décolle ? On va pas moisir ici !

Et puis, j’ajoute la touche classe pour poulette de luxe…

Puis-je ?
Prendre votre bagage
Il a l’air bien lourd pour une personne de votre rang.

En même temps, on va pas poireauter trois plombes et si j’dois m’peter l’dos autant que ça se fasse vite.

Je tends la main vers la p’tite poulette et je l’accompagne d’un sourire Colgate à éblouir les mouches.

Excusez mon retard, les courses de dernières minutes ont duré plus que prévu... Qui ose dire que la poésie c'est chiant... Attendez d'en lire quelques unes de mon cru et vous m'en direz des nouvelles... L'une d'elle parle d'une chatte... et... Messieurs, vous en saliverez... Mais bon, ne dévoilons pas tout de suite tous mes talents...
Laissez-moi d'abord rejoindre ma cabine que je range les nombreuses affaires que j'ai mises dans ma malle... et prendre quelques plantes médicinales pour soulager mon mal des voyages...
Alors à bientôt, on se retrouvera, c'est sûr...

Adossée sur une pile de caisses en bois elle regarde les invités qui se pressent sur le quai.
Sa redingote en cuir cintrée met en valeur sa taille fine et laisse entrevoir ses jambes croisées et les hautes bottes de cuirs sanglées jusqu'en haut de ses cuisses.
Ses mains gantées de rouge cachent le mécanisme de cuivre, tout comme le col de dentelles et son chapeau haut de forme.
Mais si elle relève la tête, et malgré le masque ouvragé on remarque que le haut droit de son visage est fait d'une plaque de cuivre, l'oeuil droit lui aussi est couvert d'un opercule sophistiqué permettant de faire le point et de zoomer.
Une petite merveille faite de rouages. Un automate de dernière génération qui se remonte aux mouvements.
C'est d'ailleurs pourquoi depuis 15 ans elle ne peut dormir une nuit entière.

On pourrait ne pas le remarquer, ce regard dédaigneux caché derrière le rebord du chapeau.
On pourrait oublier qu'elle n'est pas comme les autres.
Si ce n'était le léger bruit de cliquetis lorsque son bras actionne la main, la dirigeant vers ses lèvres afin que le porte cigarette les atteigne.

La volute de fumée se dissipe.

Elle avance nonchalamment vers le comité d’accueil.
la canne à la main

Elle se demande encore pourquoi elle veut monter à bord de cette étrange vaisseau.

En tout cas  elle se fait la remarque qu'il y a bien trop d'hommes ici.

Elle suit la femme qui s'est fait aider contre son gré, ça la fait sourire. Décidément les hommes sont toujours si prévisible.
Elle ne peut s'empêcher de ricaner même, amer.

"Un peu de dentelles et ça remue la queue comme des chiens"