Le moulin aux milles Lys

Le moulin est prêt. Il ne reste plus qu’à y jeter la matière première. Le vent se prend dans les palles, fait tourner le mécanisme et fourni assez d’énergie pour mettre en branle le système de distillerie.
Mais il est impossible de distiller sans matière à distiller. Qu’est-ce qu’ils font, bon sang ?
J’attends en tapotant sur le gros réservoir en métal. Blong blong blong blong blong.

La porte se pousse et Alan est le premier à rentrer en grinçant. Enfin. Ils sont revenus. Ils en ont mis du temps. Bien trop de temps. Les petits robots entrent au compte gouttes. Ils s’installent

Dites, les gars. Je vous avais dit de ne pas traîner. Et encore une fois, c’est le retard. Allez, hop. Tous en piste. Toi aussi Jurg. Alan, tu grinces. Tu viendras me voir à la fin de la distribution.

Au milieu de la pièce, le réservoir attend. Tous mes amis s’empressent de vider leur réservoir à lys dans le grand cône de distribution. Les fleurs disparaissent dans les tuyaux afin d’y être broyées.

Alan est le premier à finir. Je l’attrape par un bras et l’amène prés de l’établi où je prend un bidon de graisse.

Ne bouge pas. Une seconde. Voii – là ! Tout beau tout propre. Retourne jouer avec tes camarades.

Ce petit robot est attendrissant, mais son concepteur ne s'est pas donné la peine de le doter d'une conscience artificielle. Enfin, je suppose que comme pour mon appareil, le propriétaire de cette petite machine doit y tenir comme au plus précieux de ses amis.

Il ne répond pas, mais j'ai comme l'impression qu'il sait ou il va. On le suit ?

J'ai adressé un sourire à Cliff, et ai emboité le pas au petit être d'acier. Son odorant chargement bien à l'abris dans son petit bidon, il se dirige d'un pas décidé vers le moulin. Les pales font d'impressionnant "floooosh ! Floooooosh !" quand nous passons dessous, et malgré qu'elles soient bien loin au-dessus de moi, je prend tout de même l'inutile précaution de me baisser. Notre nouveau guide n'est visiblement pas le seul de son espèce, et ses petits camarades s'empressent tous dans la même direction. Ils ont l'air pressés, et nous ne le sommes pas, je les ai poliment laissés passer. Je suis bien plus à l'aise avec cet environnement mécanique qu'avec toute cette nature que nous venons de traverser. Pour la première fois, Cliff n'est plus mon guide, et c'est lui qui me suit. Pourtant si nous rencontrons quelqu'un de chair et de sang à l'intérieur, je compte sur lui pour faire les présentations.

Une fois le dernier robot passé, j'ai retenu timidement la porte avant qu'elle ne se referme. De l'autre main, j'ai toqué doucement pour signifier notre présence.

Bonjour ?

J'ai ouvert doucement la porte, et compris l'intérêt de tous ces lys et des ramasseurs de pétales. Notre homme est finalement bien moins poète que je ne le craignais. Ces lys sont là pour une raison très pragmatique. Je lui ai souris. Il a ce visage honnête et simple qui donne envie de s'attabler autour d'une bière fraiche et de discuter technique jusqu'à en perdre la voix.

Le moulin est imposant. De loin c’est un animal craintif posé sur une île au milieu d’un océan de fleurs, mais de prés c’est un colosse qui esquisse de grands moulinet du bout des bras.
Pourtant il n’est pas aussi grand que cela, j’ignore pourquoi ce bâtiment a cet effet sur moi. Je me sens étrange.

Lou s’est penchée en entrant, bien que la porte ne soit à plusieurs mètres des pales. Je ne suis pas le seul à avoir cette impression, visiblement. Avant de franchir la porte, je n’ai pas pu m’empêcher de me retourner : personne ne nous suit.

A l’intérieur, il fait bien plus sombre. Plein de petits robots écoutent attentivement Barrett à côté d’une énorme machine qui ronronne doucement, connectée au mécanisme du moulin. Qu’est donc cette chose ?

Salut Barrett. Tu t’es fait des amis ?

J’ai tendu le bras pour lui serrer la main. Je suis ravi qu’il ai l’air en si bonne santé. Vivre sur le continent et ne pas jurer allégeance au continent, voilà qui est risqué.

Des voix dehors ?

Je n’ai pas même eu le temps de me redresser. Une jeune femme est apparue dans l’encadrement de la porte. Élégante et bien vêtue, ses vêtements froissés et déchirés par endroits semble indiquer qu’elle n’est pas du genre à se tourner les pouces dans des soirées mondaines. Elle porte également de nombreuses affaires, dont un appareil photo. Blessée et légèrement boitillante. Quelques aventures pour venir ici ? Je me suis déplacé rapidement pour faire la bise à la jeune demoiselle.

Cliff n’était pas loin derrière. Il me serre rapidement la main, le sourire toujours au bord du visage. Cela faisait si longtemps que je ne l’avais pas vu. Plus de lettres, plus de contacts. Je suis surpris qu’il ne soit pas mort. Aux dernières nouvelles, il était recherché pour désertion.

Enchanté, moi c’est Barrett. Hé Cliff ! Tout va bien pour toi ? Je regarde de nouveau la jeune demoiselle. Nous n’avons pas le plaisir de nous connaître ? Entrez, entrez ! Mettez vous à l’aise !

J’ai déplié deux tabourets en bois que j’ai posé non loin de mon établi. Nous irons nous installer dans le salon un peu plus tard, je dois tout d’abord lancer la distillation pour ne pas être en retard sur les dosages.
J’ai sifflé et tapé trois fois dans mes mains. Les petits robots se sont tous alignés sur mon établi, côte à côte au garde à vous, quelques pétales coincés entre deux joins métalliques.

Ils sont mignons tout plein, pas vrai ? Lindblum les a fabriqué à partir d’un modèle sur Snjor. Un certain BRUNO je crois. J’ai choisi de ne pas leur donner de personnalité ni de conscience, par peur qu’ils ne s’ennuient ici, mais Lindblum m’a laissé une clé d’activation, au cas où je change d’avis. J’y songe de temps à autre.

J’ai déplié un troisiéme tabouret et je m’y suis installé, tout en sortant du tabac de ma poche.

Alors, dites-moi, que venez-vous faire sur ma petite zone de paradis personnel ? Des choses à faire ? Un avion à prendre ?

J’ai roulé ma cigarette consciencieusement, et j’ai tendu le paquet à Cliff et à la jeune femme.

Tabac ?

Sa bonhommie me donne instantanément le sourire. Il ne doit pas souvent avoir de compagnie humaine, il parle vite et et s'affaire dans tous les sens, débordé. Il a l'air social pourtant, souriant et sympathique. Et vu les machines qu'il fait tourner, il doit être loin d'être idiot. Simplement... Tout ça n'est pas son quotidien.

Ravie de vous rencontrer, moi c'est Lou' !

J'ai fais non de la tête pour répondre à sa question, sans me défaire du grand sourire qu'il m'inspire. Là où Cliff est méfiant et incite à lui retourner cette méfiance, Barrett me donne instantanément envie de lui livrer tous mes secrets. Enfin, heureusement pour moi, je n'en ai pas. Pas autant que Cliff. C'est amusant que ces deux là soient amis. Ils sont heureux de se revoir, ça se verrait dans leurs regards si les deux n'avaient pas la coqueterie d'habiller ceux-ci de lunettes. Dans le cas présent, ça s'entend dans la chaleur de leurs voix. Ils ont l'air surpris aussi, comme s'ils se pensaient morts l'un l'autre. Quel sombre passé partagent-ils ? J'ai l'impression qu'un courant d'air rafraichit la pièce à la seule évocation de cette pensée. Un instant seulement, et puis ça passe. J'ai fais glisser mon sac à dos de mes épaules, et l'ai posé par terre en soupirant. Puis je me suis poliment assise sur le rustique tabouret en bois qu'il a déplié à notre égard. Un sourire toujours flottant sur mon mon visage, j'ai studieusement posé mes mains sur mes genoux et j'ai bu ses paroles autant que ses gestes. Je veux tout apprendre de cet incroyable ingénieur.

Un conscience... oui pourquoi pas, mais en a-til vraiment besoin ? Il les considère déjà comme ses propres enfants, les doter d'une conscience ne les rendraient pas beaucoup plus attachants à ses yeux. Pour lui, c'est comme s'ils en avaient déjà une. J'hésite à oraliser ma pensée mais m'en abstient, de peur de le couper dans ses explications. Mais déjà la leçon s'interrompt, et c'est à notre tour de donner des informations. Je ne fume que rarerment, mais accepte tout de même son offre. Après toute cette épopée, j'ai bien le droit à ce petit plaisir. Et comme ça, je me montre suffisament occupée pour laisser à Cliff le loisir de rebondir (ou non) sur cette intriguante histoire d'avion...

J’ai refusé poliment le tabac, alors que Lou accepte d’un geste de la main.

Oh, avant que j’oublie. J’ai quelque chose pour toi.

Dans mon sac, des douzaines de lettres de tailles diverses et variées, couvertes de timbres de toutes les teintes. La plupart sont marqués par l’empreinte d’un tampon imposant. « Destinataire inconnu à cette adresse ». J’ai tout jeté sur ses genoux.

Tes dix dernières années de courrier, espèce d’idiot. Tu sais que tu pourrais louer une de ces boites mobiles BlackHook et rediriger ton courrier vers elle ? Ou au moins faire semblant de faire des efforts ?

D’un geste de la main, j’essuie mes lunettes à l’aide de ma veste.

Nous aurions besoin d’un coup de main. J’aimerais me rendre sur Snjor. Quant à Lou, c’est probablement Lindblum qui aimerait la voir. Elle possède quelque chose pour lui.

Je ne sais toujours rien sur son appareil, mais je n’ai jamais possédé la fibre scientifique. Quand elle décidera qu’il est temps de me montrer ses projets, j’accepterais de les voir avec plaisir.

Tu pourrais nous y amener ?

Du courrier ! Plein de lettres ! Ah mais parfait !

Ça c’est gentil ! Et j’imagine que ce n’est pas du tout une monnaie d’échange contre mon aide ?

J’ai ri de bon cœur. Connaissant un petit peu Cliff, c’est possible. Je dirais que c’est moitié pour me rendre service gratuitement et moitié pour se faire bien voir de moi et que je ne puisse pas refuser de donner mon aide. Joindre l’utile à l’agréable ?

Beaucoup de factures, je te remercie du fond du cœur.

J’ai continué de les trier rapidement. J’espérais certaines de ces lettres depuis des années. Mais comment prendre des nouvelles de quelqu’un de porté disparu ? Disparu en mer, noyé dans un océan de lys ?

Je n’ai jamais aimé le service BlackHook. Je ne sais pas pourquoi, je ne leur fais pas confiance, c’est tout. Et j’ai préféré ne plus exister. Bien plus simple. Merci pour les lettres, j’en attendais certaines depuis… Longtemps. Comment tu t’y es pris pour les récupérer ? Tu as braqué un service postal ?

Pause. Il ne me répondra jamais. Je le sais.

J’ai un avion. Je peux vous emmener sur Snjor quand ma prochaine cargaison sera distillée. Cela devrait être fini dans deux jours. Je suis désolé si vous espériez vous y rendre demain, mais il va falloir attendre. Je ne peux pas m’éloigner de cet appareil plus de quelques heures tant que le processus n’est pas terminé. Si quelque chose va mal, il faut que quelqu’un puisse couper le courant.

J’ai frappé deux fois du plat de la main sur l’alambic géant en métal.

Cette machine est capricieuse et je ne sais pas comment elle fonctionne alors mieux vaut être vigilant.

Je me suis tourné vers Lou. J’essaie d’ignorer la façon qu’elle a de me dévisager, cela s’avère difficile.

Vous avez inventé quelque chose, n’est-ce pas ? Je ne peux pas imaginer d’autres raisons pour laquelle Lindblum souhaiterait vous voir. J’ai réfléchis une seconde. Et quelque chose me dit que c’était une façon de parler et que le bon docteur ne connaît pas même votre existence pour le moment.

Je suis morbidement curieux de ce que cette demoiselle possède sous le coude mais si ce n’est pas un moteur d’avion j’ai bien peur de ne pas pouvoir comprendre son invention. Oh, et puis au diable la prudence.

J’ai le droit de demander ce qu’est cette invention ? Ou bien préférez vous réserver ce droit à notre bon docteur ? Je vous jure que je prêterais attention à vos explications sans m’endormir. Juré.

Ils m'ammusent tous les deux. Ils sont radicalement opposés, et pourtant leur amitié est d'une spontanéité simple et évidente. La discution est sur le ton de la taquinerie amicale, mais je sens quelque chose de plus sombre en-dessous, de plus profond, de plus dangereux. Qu'a fait cet homme si jovial pour vouloir disparaitre des registres de facteurs ? Qu'a fait mon bon Cliff pour vouloir s'exiler ? Ils sont bien loins de l'image des bandits masqués que je me figurait quand on me parlait de hors-la-loi. Et dire que j'en suis une moi aussi maintenant. Je ne fais pas plus bandit masquée qu'eux. Peut-être un peu guerrière avec mon étui à pistolet, mon bandage à la cuisse et ma robe déchirée. Rien que de l'apparence, la réalité se trouve quelque part entre de la maladresse et de la nostalgie pour mon bon vieux père...

Je reviens à la réalité quand le tabac se met à bruler mes poumons. Il est bon, mais fort, trop pour la fumeuse occasionnelle que je suis. J'essaye de cacher ma faiblesse en ravalant un toussotement. J'espère que je ne vire pas au rouge. Je me rattache à la conversation pour me changer les idées. Cliff me flate, je n'imaginais pas qu'il pensait tant de bien de moi. Penser que le docteur puisse plus vouloir me rencontrer que l'inverse est le plus haut compliment qu'on m'ai jamais fait. J'ai tiré de nouveau sur ma cigarette, tout doucement cette fois, pour masquer mon embarras.

Je suis un peu déçue d'apprendre que notre hôte ne connait pas le fonctionnement de ses propres engins. Serait-ce Lindblum lui-même qui les lui auraient installés ? Enfin, s'il sait faire voler son avion jusqu'à Snjor, c'est déjà bien plus que tout ce que j'aurais pu espérer en me levant ce matin... Qu'est-ce que deux jours d'attente face aux mois de recherche qui ont précédé aujourd'hui ?

Quoiqu'il en soit, Barrett est d'une perspicacité hallucinante, et perce les mysterieuses paroles de Cliff comme s'il avait énoncé tout ce qu'elles dissimulaient à voix haute. Oui, une invention. Non, il ne me connait pas encore. Je remarque d'ailleurs que j'ai toujours sous-entendu les faits à Cliff, et que je ne lui ai jamais parlé ouvertement de ma découverte. Quelque chose me retenait. Si c'était de la méfiance au début, mon silence s'est par la suite plutôt justifié par une forme de respect qui me semblait correct. Cliff est si calme et si mysterieux, il n'aurait pas aimé qu'une pimbêche fasse son intéressante en lui racontant ses recherches. Du moins c'est ce que je pensais. Mais au regard curieux qu'il pose sur moi quand Barrett ose enfin énnoncer la question, je sens presque un stratagème qu'il aurait mis en place pour que quelqu'un autre que lui ne prenne ce risque. Il sont tous les deux aussi attentifs à ce que je vais répondre. Voila qui met du baume au coeur. Ce n'est pas souvent que j'ai à ma disposition une audiance sachante et disposée à m'écouter parler de ce qui pourtant, compte le plus au monde à mes yeux.

Je répond d'un sourire amusé à la dernière remarque de Barrett, puis me perd quelques instants dans la contemplations des volutes de fumées s'emmêllant qui s'échappent de nos cigarettes désormais toutes deux posées dans le cendrier. Je cherche mes mots. Puis me lance.

Eh bien... Pour commencer je suis photographe.

J'ai ouvert l'étui de mon appareil et l'ai posé sur la table, pour m'appuyer sur sa présence afin d'étayer mes explications.

Depuis... toujours, je suis frustrée par cette forme d'immobilité qu'impose la photographie. Au début, j'essayais de la chasser en prenant des photos de mouvement, d'instants décisifs, de toute sorte de chose qui rappellait qu'à cet instant figé, les choses ne l'étaient pas.

Je me suis souvenue de la pelicule pleine à l'interieur de mon appareil, et me suis empressée de la décharger et de la mettre à l'abris tout en poursuivant mes explications.

Et puis... Voyez-vous j'utilise le même appareil depuis mes douze ans. Alors forcément, j'ai appris à le réparer, et de bidouille en bidouille, je pense que je connais maintenant tous les éléments qui composent cet engin. Alors un jour je me suis dit que peut-être, cette immobilité n'était... qu'un moment passager dans l'histoire de cet invention. Et que peut-être, moi, je pourrais proposer une première version d'un appareil qui... imprimerait le mouvement.

J'ai rangé la précieuse bobine dans mon sac, puis je me suis penchée en avant sur mon appareil, ai ouvert le cache pour mettre ses mécanismes à nus, et j'ai basculé le loquet qui enclenche la petite manivelle.

L'idée serait de prendre plein de photographies, très vite, les unes à la suite des autres. Si chacune enregistre un instant figé, toutes ensembles, elles capturent le mouvement. Là, si je tourne cette manivelle, la pellicule se met à défiler. Ensuite il y a cette pièce, qui permet de stabiliser le temps de la prise, et celle-ci qui vient s'assurer que la fenêtre sur la pellicule est la même que l'instant précédent. Et là, grâce à cette petite roue rigolote, on repasse la pellicule dans un mouvement de défilement continu, pour qu'elle s'enroule correctement sur le récepteur. En fait ce n'est pas si compliqué, il fallait juste... Avoir l'idée.

J'ai adressé un sourire maladroit à Barrett. Même si je sais que Cliff ne perd pas une miette de mes explications, c'est Barrett qui a posé la question, et Cliff serait très embarassé de s'appercevoir que j'ai conscience de son attention. Enfin il me semble.

Le seul problème... Il se situe ici.

J'ai désigné l'objectif en accordéon de mon appareil.

En fait, comme les photos doivent se prendre très très vite, l'objectif n'a pas le temps d'apporter suffisament de lumière sur la pellicule, d'autant que pour faire fonctionner tout ce petit dispositif, j'ai été contrainte de refermer l'obturateur conséquament... J'ai cherché cet "amplificateur de lumière" partout sur le continent, mais personne n'a le moindre début d'idée de comment faire. Mais Lindblum...

J'ai jeté un regard vers l'avion qu'on appercoit par la porte entrouverte.

Lindblum saura certainement comment fabriquer cette pièce qui me manque.

J'ai posé mes yeux sur les petites lunettes rouges posées sur le nez de Cliff. Et dire que c'est grâce à elle finalement que je suis arrivée jusqu'ici... J'ai croisé le regard de Cliff à travers ses vitres teintées, et j'ai déporté précipitament mon regard vers notre hôte. J'ai beaucoup trop parlé...

Est-ce que... Je peux me permettre de vous demander un verre d'eau ?

C’est génial ! Fantastique ! Des photos qui bougent !

Mais… Comment est-ce possible ? Faut-il sortir les photos de l’appareil ? Je ne comprends pas ! Cela semble être le même fonctionnement qu’un petit livre sur lequel on a griffonné sur chaque page : on fait défiler rapidement et l’image s’agite.

Mais… Lou ne parle pas de faire défiler des photographies à la main. Alors quoi ? Quel est le résultat final ?
Je suis resté un moment bouche bée, à m’imaginer les applications de son invention. Tout le monde pourrait s’arracher ce qu’elle vient de mettre sur la table, à condition que cela puisse marcher.

J'ai apporté un verre d'eau à Lou en prenant soin de ne pas renverser son contenu sur le sol.

C’est brillant ! Je ne suis pas certain d’avoir tout compris mais c’est brillant ! Je suis certain que Lindblum -…

Cliff m’a interrompu d’un seul regard.

Non.

J’ai décroisé les jambes sans me départir de mon calme. J’ai tout écouté paisiblement et cela me semble prometteur. Cependant, j’aperçois le train arriver droit sur nous, ce serait une bonne idée que de s’écarter des rails.

Une seconde.

Les deux index sur les lèvres, l’un contre l’autre et les deux mains entre-mêlées dans une posture de réflexion, j’ai avancé le buste en avant.

Barrett. Ces feuilles… Celles que tu as semées un peu partout à Méliadus. Celles qui m’ont permis de retrouver ton adresse. Amène-en-lui une.

Il est impossible de remplir cette chose sans posséder un sceau d’authentification et une adresse qui permet d’être retrouvé. Ce n’est pas la poste. Ce n’est pas l’état. Rien d’autre qu’un coffre hermétique qui n’est pas sensible aux considérations politiques et judiciaires.

Parfois une information en échappe.