Je suis épuisé. Note à moi-même pour l'avenir : Ne jamais avoir d'enfant.

"Boucle d'ange" qu'il l'appelait, l'autre ahuri. Mais sous son masque bien soigné, cette créature est démoniaque. D'abord elle ne me laisse pas dormir de la nuit. Puis elle me fait saliver avec un plateau de petit déjeuner qu'elle englouti aux trois-quarts, ne me laissant que des miettes. Ensuite elle me contraint à échanger mes dernières économies pour la chambre dans laquelle ELLE a dormi et le petit déjeuner qu'ELLE a mangé. Pour enfin m’annoncer tout sourire que ses chaussures sont cassés et que ses petits pieds de fées ont besoin de nouvelles bottes... Eh ! C'est pas écris mère Thérésa ! De toute manière je n'ai plus un sous en poche, et l'échec de ma dernière mission ne va pas m'aider à me remplir les poches. Alors, sans un mot pour ne pas me mettre à déverser toute ma colère en un cri continu, j'ai mis la gamine sur mes épaules, et j'ai marché jusqu'à la gare. "poids plume" qu'il avait dit l'autre abruti. Je comprend les protestations de Valiso maintenant... Quoi je suis de mauvaise foi ?

Dans le hall de la gare, à bout de souffle, je laisse tomber la gamine avec juste assez de précaution pour ne pas m'attirer les services de sécurité.

Bon. Eh bien voila, on est arrivé. J'espère que tu retrouveras tes parents hein.

J'allais pour me détourner et continuer mon chemin avant de me souvenir : elle me voit. Et merde. SI c'est toujours le cas, j'ai autant besoin d'elle qu'elle de moi. Si c'est toujours le cas... Je me retourne vers elle.

Heu... Au fait... Tu... Tu me vois toujours ?

Tant pis pour les bottes, Shali n'est pas très sympa par moment. Oui je le vois toujours quelle question ! je hoche de la tête pour lui répondre tout en regardant autour de moi, cherchant désespérément un souvenir qui ne revient pas. Comment me suis-je retrouvée là la veille? Comment ai-je pu oublié ce qui m'est arrivé moins de 24h après?
Je tourne et retourne la tête, perdue au milieu de l'immense gare. Ma main attrape celle de Shali, je cherche à me rassurer à son contact. Je le sens se raidir mais je tremble et j'ai besoin de lui, je ne veux pas qu'il me laisse seule, je ne peux pas me retrouver seule.
Et si j'oubliais à nouveau ?

Ses grands yeux tout mouillés. Sa petite bouille désespérée. Si c'était sans cette mains douteusement humide qui s'accroche à moi comme une vieille tique, je la trouverais presque atendrissante. Mais je prends sur moi. Elle me voit toujours, ce qui veut dire que tant que je m'arrange pour la garder près de moi, il y a un espoir pour moi de me sortir de cette existance pourrie. Le seul problème c'est qu'il faut regler le sien, de problème, avant de s'atteler au mien. Moi qui n'ai toujours vécu que pour mes intérêts personnels, la perspective de dévouer entièrement mes prochains jours à retrouver la mémoire de la petite m'effraie un peu...

Comme si cela pouvait aider en quoi que ce soit, je regarde comme elle tout autour de moi, à la recherche d'un indice. La foule fourmille, c'est l'heure de pointe matinale, tous ces gens au quotidien reglé comme du papier à musique s'empresse de rejoindre le quai sur lequel ils poireautent tous les matins depuis des siècles... L'espace d'un instant, je me dis que même ne pas avoir de tronche et une gamine collante dans les basques est une existance plus enviable que la leur. L'espace d'un instant seulement. L'instant d'après, une vision d'horreur fait bondir mon coeur hors de ma poitrine. Lui ! Non, mais quelles étaient les probabilité, sérieusement, pour que je le recroise lui exactement dans le dédale de la capitale ?! Mon ancien patron. Je me suis barré car les équipes du Don me proposaient des contrats plus intéressant. Le seul hic, c'est que je suis parti avec un petit pécule d'avance... Et le fait d'être invisible ne va pas m'aider : des types qui dissimulent entièrement leur visage derrière un foulard et des lunettes de soleil, il ne doit pas en croiser tous les jours. C'est la panique. S'il me voit je ne verrai pas le soleil se coucher ce soir. Entièrement guidé par mon instinct, j'atrappe la gamine et me met à courrir droit devant moi. Mettre de la distance entre lui et moi, vite, avant qu'il ne me reconnaisse. Je jette un coup d'oeil derrière moi. Il ne m'a pas vu mais il me suis. A moins qu'il ne m'ai vu ? Là !

Juste devant moi, la porte d'un train se referme lentement. J'accelère encore un peu pour pouvoir me glisser in-extremis dans le wagon. Je m'adosse à la porte désormais fermé, laisse glisser la petite au sol et pousse un long soupire. Bon. La menace direct à été éliminée. Je prends un peu de temps pour penser à ce que je viens de faire. Le wagon se met en branle sous mes pieds. Et je me décompose. Oh non... Je suis dans un train, seul avec cette gamine que j'ai rencontré hier soir. Au moindre controle c'est fini. Nous n'avons pas de billets, le fait que j'emmène cette petite en train est plus que louche et par dessus tout je n'ai pas de visage bordel ! Ils vont s'en rendre compte. Ils vont me prendre pour un pervers et une anomalie de la nature, je serais martyrisé, humilié, anéanti. Bon. Du calme Shalhassan. Tu en as vu des pires. Ou peut-être pas, mais peu importe. Chaque chose en son temps. Premièrement, ou va ce train et quel est le prochain arrêt ?

Il m'attrape... encore..., court... encore.... saute dans le train et me repose à terre.
Je lui lance un regarde mécontent mais suis légèrement déséquilibrée lorsque le train démarre. Les vibrations du wagon, cet instabilité constant et l'odeur de renfermé, mélange de sueur et de tabac froid, me donnent la nausée. Ce ne sont pas des sensations agréables et elles ne me sont pas inconnues.
Un Flash : assise sur un fauteuil rouge en tissu, je regarde par la fenêtre d'un train à pleine vitesse.
Je reprend mes esprits, une seule seconde qui m'a parue être une heure vient de s'écouler, je m'adosse à la porte en face de Slalassan pour ne pas perdre l'équilibre, puis je redresse la tête pour le regarder :

Le train va dans la bonne direction, la prochaine fois, mieux vaudra payer nos tickets avant de monter à bord. Restons ici le temps des contrôles, nous pourrons plus facilement nous faufiler dans les toilettes en étant discrets.

Le train saut et me retourne l'estomac.
Flash : je regarde pardessus bord, de l'eau ? ... Non, cela ressemble à du coton, je suis dans un bateau au dessus des nuages.
Je rouvre les yeux, troublée par cette vision étrange. Dans ces brides de souvenirs, s'ils en sont, je ne suis ni triste, ni heureuse, je n'ai pas peur mais ne me sent pas en confiance, je subis, je suis le mouvement sans avoir le choix de rester ou partir.

Un bateau... qui vole ?

Je regarde de nouveau Shali, perplexe :

Il faut trouver un bateau qui vole je crois.

Ne sachant pas si je deviens folle ou de plus en plus lucide, je décide de me fier à mon instinct et attends que mon compagnon de voyage prenne une décision. Quoi qu'il arrive, quoi qu'il décide, je suivrais Shali pour découvrir comment le rendre visible aux yeux de tous. Je lui souris, et m'assoie au sol entourant de mes bras, mes genoux égratignés.

La petite m'inquiète. C'est peut-être la première fois qu'elle monte dans un train ? Non, impossible, Shalhassan, réfléchis avant de... penser. On l'a trouvée sur le quai de la gare. Elle devait descendre d'un train. Probablement. Peut-être. En tout cas son visage pali, elle perd l'équilibre et je commence à me questionner sur le comportement à adopter si elle me fait un malaise, là, dans le sas du train... Mais je n'ai pas le temps de m'inquiéter plus que ça, elle s'adosse, reprend des couleurs, et me parle, de cette voix si rare et si étrangement mélodieuse.

Comment ça le train va dans la bonne direction ? Moi je ne sais même pas ou va ce train, et elle non seulement elle le sait, mais en plus elle sait quelle est la "bonne" direction ? Mais je croyais qu'elle était amnésique moi la gamine !

Comment tu... C'est quoi la bonne direction ? Où on va ? Enfin je veux dire, comment tu sais où on va ? Enfin non plutôt, où est-ce que tu veux aller ?

Je m'emmèle. Comment une si courte phrase de sa part a fait pour générer autant de questions dans mon esprit ? Est-ce que je suis vraiment plus stupide que je ne le pense ou bien est-ce elle qui est vraiment inquiétante ?

Vraiment inquiétante. C'est la bonne solution. Elle me débite des astuces de hors-la-loi comme si elle me faisait la conversation sur le temps qu'il fait. En en profitant pour me faire la morale en sous-texte. Je SAIS, oui, qu'on aurait du acheter des tickets ! Sauf que j'avais un type qui voulait ma mort à mes trousses, est-ce qu'on peut considérer ça comme une circonstance aténuante ? Je ne lui dis pas. Miss reine du crime, elle, aurait surement eu une idée plus astucieuse que courir droit devant soit et sauter dans le premier train venu.
Je ne lui répond pas. Elle a ignoré mes questions, j'ai le droit d'ignorer ses remarques. Na ! Non mais oh ! C'est qui l'adulte responsable ici ? Bon. On fera comme elle dit. Elle a l'air de s'y connaitre. Si je reste dans le milieu, je lui présenterai peut-être mes chefs, elle a de l'avenir dans la truanderie. Avec un peu de chance ils me mettront en équipe avec elle, et je me retrouverai peut-être moins souvent dans des situations mortelles.

Un bateau qui... Quoi ?! Attends, quoi ? Elle est encore bien plus inquiétante que je ne le soupsonnait ! Elle débloque completement oui ! Lindblum. Le nom a éclot dans mon cerceau sans crier gare. Je cherche sa source. Don. Il veut la peau de Lindblum. C'est une info que j'ai surprise dans des conversations qui ne m'étaient absolument pas destinées. Eh, je n'ai jamais signé pour ne pas utiliser mon avantage contre mes employeurs. Bon. Faisons le tri dans ces souvenirs en bazar. Don veut la peau de Lindblum. Je suppose donc qu'on ne sait pas ou trouver Lindblum, ou cette phrase aurait été conjuguée au passé. Cependant on sait une chose : Lindblum... vole, ou un truc comme ça. Comme... Le bateau dont vient de me parler la petite ? Lindblum est un scientifique. Un inventeur. Peut être qu'il a un bateau volant. Peut-être que la petite connait Lindblum. Peut-être que la petite est la fille de Lindblum ! Ou alors non, mieux, la petite est un robot qui se transforme en bateau volant fabriqué par Lindblum ! Non, ça ne doit pas être ça. Mais une chose est certaine : si je la joue fine, j'ai peut-être moyen de rassembler les grands objectifs de ma vie : gagner beaucoup d'argent, gagner l'estime du Don, trouver un type capable de me rafistoler. Et aider la petite, accessoirement. Non pas que son avenir ne m'intéresse d'aucune sorte. D'aucune sorte. C'est juste une gamine paumée, dès que je n'en n'ai plus besoin je la largue, hop ! Bon débaras. Aucun remord. Je n'aurais aucun remord. N'est-ce pas ?

Je pose mes yeux sur ce petit visage rond mangé par d'immenses yeux plein d'espoir qui me dévisagent. Comme si j'existait. Parce que j'existe pour ce petit regard étrange. Je lui souris.

Oui, oui, un bateau volant, d'accord, c'est bien. Bon j'ai une piste. Enfin peut-être. Quelqu'un. Enfin des gens, qui nous disent où est quelqu'un. J'espère. Je ne peux pas te dire. Bon, réponds : où va ce train, comment tu le sais, et qu'est ce qui te fais penser que c'est la bonne dirrection ?

Quant à moi j'ai la réponse : Grip. Si la petite est medium alors c'est notre jour de chance. Sinon, alors je ne comprends vraiment, vraiment rien à ce qu'elle raconte. Et avec aucun argent en poche et un train qui ne va pas vers ceux qui m'en doivent, on serait vraiment dans la merde...

Je ne sais pas comment je sais mais je sais une chose c'est que je Sais...

Je... je ne connais pas le nom de la ville, mais là où nous allons il y aura des véhicules volants qui nous servirons à aller sur l'île dans les airs.

Je continue à scruter son regard pour tenter de déterminer s'il me prend  ou non au sérieux, un sourire puis le pouce dans la bouche, je pose ma tête sur la paroi interne du train en attendant son arrivée en gare.

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