Je le regarde manger, étonnée qu'il s'étouffe pas, il avait vraiment faim. Je me penche vers Jude et lui souffle à l'oreille

Je sais voler oui, mais faut pas le dire c'est un secret, si tu gardes le secret et le dis à personne je t'apprendrais à voler.

Puis normalement tout en finissant de manger

Contente que ça te plaise mais tu devrais pas reboire ça, tu connais déjà tu devrais essayer autre chose du thé peut être, oui du thé ça devrait te plaire c'est sucré et puis on doit refaire de la moto, un peu, ça serait mieux pour ton estomac. Je sais que ça serait mieux et j'ai pas appris ça dans les livres moi. Tout n'est pas dans les livres...

Son sourire à du me contaminer, je me sens tiède, tout en sourires comme quand on regarde un chat s'amuser avec une balle.

C'est ça oui être ivre, c'est amusant, au début oui,  on peut parler beaucoup mais ça tu sais faire déjà ou bien rire voir même pleurer, on a les jambes qui flanchent, on peut se faire pipi dessus aussi et même tomber dans le coma. Je suis sure que tu aimerais pas faire pipi dans ton pantalon, tu mets surement plus de couche maintenant, et tu aimerais pas être malade ça fait vomir tu sais...

Un thé au jasmin tiens avec des petites fleurs blanches dedans qu'on dirait qu'il a neigé dans ton thé!

Le serveur essuie la patauge de Jude, il fait la grimace un peu plus, il se demande certainement ce que l'on risque de faire comme catastrophe dans sa boutique.

Un thé au jasmin pour tous les deux pour finir!

Voilà qui devrait le rassurer qu'on va pas trainer chez lui. Je repose quelques piécettes sur le comptoir pour le thé. J'ai fini de manger et déjà j'aimerai être dehors. J'ai horreur d'être enfermé trop longtemps et respirer l'air des autres, il est moite de leur sueur, lourd de leurs pensées, il pue la mort de leur vie sans but, sans floriture, sans couleur. Mon nez en est tout plissé et je respire au ralenti. J'ai envie de remettre mon masque mais ça se fait pas dans une boutique et puis faut que j'avale mon thé. Je plonge dans la vapeur parfumé, c'est chaud, c'est bon...

Je regarde Jude, Jude et son sourire, Jude et ses couleurs, il sent bon à respirer, lui, comme un air de montagne avec les neiges éternelles.

Après?!...

Tu peux venir avec moi si ça te dis. ll faut que je répare le siège de la moto. Tu finis ton assiette et ton thé et tu me rejoins dehors, à la moto.

Je me lève et fais quelques pas vers la porte. Je reviens vers lui, il faut pas qu'il s'inquiète que je le laisse seul ni qu'il s'attarde. Je fronce un peu les sourcils, lui secoue gentiment le bras.

Je t'attends, traines pas !

Je rejoins ma moto sors quelques clés et un marteau. Je débloque quelques écrous, redresse une barre et remet le siège cahincaha dans une position plus confortable pour deux. Je m'assoie, remets mes lunettes et démarre l'engin prête à partir.

Thé ? Je connais pas. J’en ai beaucoup entendu par… lu ! Beaucoup en parlent, beaucoup en boivent.
Je veux !

De toute façon, j’ai pas envie de vomir, ça tourne déjà pas mal, je maintiens l’équilibre autant que je peux, difficilement, j’ondule, j’oscille mais ça va. Tout va bien, la vie est belle.

Vous êtes pressé ?
Vous en avez l’air
Toujours cette affaire en ville ?
De quoi s’agit-il ?
On part ?

Elle sort.
Jude termine son thé et son assiette, des questions plein la bouche la place.

Le thé était bon
J’ai tout bu
Et j’ai envie de faire pipi
Mais, j’ai jamais porté de couche-culotte. Pour ça, il aurait fallu que je sois petit. Et j’ai jamais été petit. Suivez ce que je dis, sinon, vous vous perdez et on perd du temps à préciser et réexpliquer.
Mais, je vous en veux pas. Je sais pas ce que c’est d’en vouloir à quelqu’un.
Vous m’expliquez ?
Mais c’est pas pressé
Pas comme vous
Mais c’est vexant
Je suis pas un bébé
Je sais me retenir !
Preuve
J’irai pas !
Je me retiendrai autant que possible
Pari tenu
Avec moi-même, si vous êtes pas d’accord.

Jude s’installe sur l’engin le ventre plein cette fois. La vessie aussi. Va-t-il vomir, c’est une question qu’il ne se pose pas. Il connait maintenant les sensations que procure l’engin de Nael. Ça lui suffit. Il passe à autre chose, comme regarder le ciel, l’oiseau enfermé dans une cage accrochée à une fenêtre là, plus haut.
Et puis les gens. Il les observe et tous, les dévisage aussi vite que l’engin va, de l’un à l’autre. A la fin, il se souviendra de tous, de chaque visage qu’il aura croisé. Sa mémoire est comme ça, infaillible. Jude retient, tout. Il apprend.
Et il sourit.
Il trouve que la vie est belle…

Stoooooooooooooooop !

Il écrase son pied sur celui de Nael, la moto bizarre fait une embardée, les roues se décollent de la chaussée, et manque de se retourner puis s’arrête dans un tas d’ordure ménagère.
Tout s’arrête, tout est calme, chacun est indemne. Jusqu’à ce qu’un sac d’ordure rempli de nouilles chinoises visqueuses d’avant-hier, s’écroule sur Nael.

Jude lui, n’est plus là. Déjà descendu de l’engin.

Il est sauf !
Regardez comme il est beau
C’est un chat n’est-ce pas ?
J’en n’avais jamais touché
C’est doux
Et vous ?
Vous avez l’air en colère…
Vous allez me gronder ?
Je voulais sauver le chat ; il est sorti de la cour et il se dirigeait vers la roue avant
Il serait mort
Vous ne l’aviez pas vu ?
Vous avez fait vérifier vos yeux ?

Jude s’interrompt soudainement et  sourit jusqu’aux oreilles, les deux.

Vous avez des nouilles sur la tête…
Ça vous va bien, c’est comme des cheveux longs mais pas coiffés
Par contre… bonjour l’odeur.

Moi, je me retiens
De faire pipi
Je tiens mon pari
Mieux que vous votre volant.

(La suite ici : Home Sweet's Home)